Aujourd’hui, je me rendais chez une cliente pour commencer avec elle la lecture de sa biographie. C’est un moment toujours particulier dans la vie professionnelle d’un écrivain public que celui de confronter son travail rédactionnel à l’appréciation du client et c’est toujours avec une boule d’angoisse au creux du ventre que je m’y soumets. Le coût d’une biographie, relativement élevé, donne le droit au client à un certain niveau d’exigence. Après des semaines de travail à l’appui d’une dizaine d’heures d’enregistrement, malgré la trentaine d’ouvrages réalisés depuis que j’exerce ce métier, le doute et l’anxiété sont là, intacts. Et si ma prose n’était pas à la hauteur de la vie confiée à mon dictaphone ? Et si le client, dès les premières pages lues, m’interrompait pour me manifester son mécontentement ? Cela n’est jamais arrivé, mais il suffirait d’un malentendu, d’une mauvaise impression, d’une interprétation erronée. Malgré toute ma conscience professionnelle pour écrire au plus juste, malgré ma capacité d’empathie pour retranscrire les sentiments et les émotions évoqués, malgré mon investissement dans cette vie que je me suis appropriée pour mieux l’incarner et la traduire en mots, l’anxiété grandit à mesure que j’approche du moment de vérité.
Le verre d’eau à portée de main, je commence la lecture. Ma cliente est assise en face de moi et je lui lance régulièrement de brefs regards. Impassible, elle écoute…
Alors que, la gorge sèche, je tends la main vers le verre, elle me regarde, les yeux brillants :
« C’est incroyable ! J’ai l’impression de regarder le film de ma vie ! Comment avez-vous fait ? »
Gagné ! Soulagée, je poursuis. Et à cet instant précis, j’ai la conviction d’exercer un des plus beaux métiers, exaltant pour moi et foncièrement utile pour ceux qui me font confiance !
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Dans ce deuxième recueil, que j’ai eu l’immense joie de préfacer, Nicole nous emmène dans un monde poétique un peu particulier. Car elle a pris l’habit du fabuliste pour nous parler de sujets graves en mettant des animaux en scène.
Dans « Le petit loup », elle nous parle de la peur naturelle de l’enfant.
Dans une autre poésie, il est question du don et du partage. Pour évoquer le chagrin d’une petite orpheline, Nicole écrit :
« Son tissu de coton et d’éponge-douleur
Nourrissait, chaque soir, son amour pour sa mère
Qui, les doigts repliés sur un fil de couleur,
En petits points de croix, l’avait cousu naguère. »
Dans ce très beau poème, le poète a l’audace heureuse de faire rimer primerose avec ecchymose !…
Pour évoquer le passé, elle nous raconte une histoire qui se termine ainsi :
« Lorsque vous achetez un objet de grand âge,
Sans même le savoir, vous faites l’héritage
D’une histoire passée… »
Un peu plus loin, pour parler de la différence et d’un défaut a priori, l’auteur nous raconte l’histoire de deux seaux dont l’un fuit. Leur propriétaire aurait pu décider de jeter l’ustensile défectueux. Elle n’en fait rien car les gouttes qui s’échappent du fond du seau arrosent des graines qui fleuriront le chemin !
Dans « Cadeaux d’anniversaire », Nicole décrit l’amour, le vrai, celui qui est oubli de soi. Elle veut lui offrir une chaîne de montre, il veut lui offrir un joli peigne. L’argent manquant aux deux amants, elle vend ses
cheveux et lui sa montre !…
Les thèmes sont multiples et variés : l’amour, l’amitié, la vérité, le partage, le don, l’enfance, la vieillesse, la mort, le tout écrit en vers néo-classiques voire classiques.
Les puristes remarqueront bien sûr les manquements à la prosodie, mais si Nicole ne compose pas toujours en parfaits alexandrins, ce n’est pas par ignorance ou paresse, mais par choix délibéré et donc respectable.
Quant aux illustrations qui émaillent les pages de ce recueil, elles sont en harmonie avec les poésies, belles, émouvantes et explicites.
Bref, un très beau recueil, à la fois grave et léger, que l’on feuillette encore et encore, même une fois entièrement lu, car la musique des mots (le poète est en outre violonniste) résonne longtemps après avoir fermé le livre.
Recueil de pensées de Jeannette INSURGE
La tendresse… Laetitia ou la mort d’un enfant de quatre ans… Une petite fille malheureuse…
Mais que l’on ne s’y trompe pas, « Eclats de vie » ne se limite pas à l’émotion, à la tristesse, à la mort. Il y a en effet des textes franchement drôles, comme celui du petit chien qui pue charogne. La ruse développée pour traquer l’animal et le mettre sous la douche est venue à bout de mes tentatives de retenue pour ne pas déranger ma compagne qui lisait à mes côtés ; j’ai éclaté de rire et elle a dû patienter avant d’apprendre la raison de mon hilarité débridée. Idem pour le texte sur les grandes surfaces !
À côté de ces scènes rocambolesques, il y a des paragraphes de pure poésie et d’amour inconditionnel. Il y a la lutte acharnée contre la maladie, l’injustice d’une société, la muflerie des médecins, la stupidité des administrations.
Ces « Eclats de vie » sont des instantanés avec la palette de sentiments que chaque être humain déploie au cours d’une existence. Les mots de Jeannette Insurgé sont des claques, des baisers, des coups de poing, des caresses. Ses mots enchantent, dérangent, bouleversent, renversent le lecteur, le poussent dans ses ultimes retranchements par leur poésie, leur crudité, leur douceur, leur violence.
Ces « Eclats de vie » sont truffés d’a priori, de jugements à l’emporte-pièce, d’excès en tout genre ; on y trouve même un procès injuste à Verlaine avec en prime un poème mal retranscrit ! Mais alors même que cette prose au style du langage d’aujourd’hui parfois m’agace par son côté trop oral, par ailleurs elle me subjugue, elle me fascine et me transporte par sa truculence et son immense sincérité.
Si vous voulez sortir des sentiers battus pour vos lectures de l’été, précipitez-vous sur le site de la FNAC pour acquérir ce livre qui ne vous laissera pas indifférents. Mais attention, lire de l’« Insurgé », c’est prendre un risque voire deux : subir le chaud et froid de ces chroniques, et devenir accro à cette écriture qui défie tous les codes et vous soulève de terre. A la fin des 300 pages, j’ai hésité entre le k.o. et la poussée d’énergie. Mon commentaire a été : « Putain… ! ».
Il se trouve que l’auteur est une amie très chère, mais cette critique est sincère et objective. Ni elle ni moi ne pratiquons la flagornerie, sachant que l’amitié n’y survivrait pas.
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