Si quelqu’un m’avait dit, en mai 1998, que j’irais un jour voir le chanteur Frank Michael en concert, j’aurais regardé cette personne avec incrédulité et hoché la tête avec condescendance.
Un mois plus tard, je rencontrais Monique et elle me parla de Frank Michael. Comme j’avouais mon ignorance, atterrée, elle me fit écouter une chanson. Mes oreilles nourries pendant des décennies de Wagner, Mozart et autre Verdi, voire en alternance Piaf, Ferrat et Brel, n’aimèrent pas.
Et pourtant, il y a quinze jours, j’entrai dans un magasin pour acheter deux billets pour le concert que donnait le chanteur encore quinquagénaire à Vandoeuvre. J’avais hésité à prendre deux places, mais je savais que Monique n’irait pas seule. Et puis après tout, que valent deux heures d’hypothétique ennui contre deux heures de probable bonheur ? D’ailleurs, en sortant du magasin avec mes deux billets en poche, je me sentais étonnamment légère, heureuse à l’idée du plaisir que j’allais procurer à la personne que j’aime. Je ne fus pas déçue, Monique n’en revenait pas et répétait « merci » pour juguler l’émotion.
Arrivées trente minutes avant l’heure du concert, nous trouvons une file déjà fort longue devant les grilles du Parc des Expositions ! Autour de nous, que des personnes du troisième voire quatrième âge ! Papis et mamies sont nombreux, munis d’une canne, d’un déambulateur ou en fauteuil roulant, sonotone vissé à l’oreille, à attendre gentiment de pouvoir entrer.
À l’apparition de l’idole, les gosiers libèrent un retentissant cri de bienvenue. Les chansons, anciennes et nouvelles, s’enchaînent. Les fans sont devant et, si Franky ne jette pas sa chemise dans le public – il est plutôt du genre costume, chemise blanche et cravate bien serrée – c’est une femme qui lui tend son foulard pour qu’il puisse s’éponger le front !
Amusée, je regarde autour de moi. Plus de gonarthrose, ni de coxarthrose ou d’omarthrose ! En fait, plus d’arthrose du tout nulle part ! Les vieilles dames sont debout, bras tendus vers le ciel, et se déhanchent comme des midinettes. Lorsque le chanteur entonne une valse, les couples sont nombreux qui dansent dans les allées.
L’ambiance est bon enfant. Les gens se lèvent et déambulent à leur guise. Il faut dire que si l’arthrose se fait oublier, vessies et prostates n’ont pas cette délicatesse !… Ils se dirigent donc, cahin-caha, vers les toilettes et, revenus à leurs places, les voilà qui se déhanchent et montent les bras dans des amplitudes que ne désavouerait aucun chirurgien orthopédiste après une bonne arthrodèse !!!
Pendant presque deux heures, oubliés Sarkozy et Hollande et les prochaines présidentielles, oubliés la crise, les retraites maigrichonnes, le chômage qui guette les petits-enfants, oubliée la solitude dans leur petit HLM ou leur grande maison, oubliées les douleurs de leur âge et la peur de l’après-vieillesse. Pendant presque deux heures, c’était le bonheur ! Et vous savez quoi, quand Frank Michael a demandé aux femmes de se mettre debout et de lever les bras au ciel, j’ai obéi et ne me suis même pas sentie ridicule ! C’est peut-être cela, grandir ?
Et après le concert, sur le chemin du retour, chacun peut admirer la belle voiture qui véhicule le chanteur !
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