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La valse lente des tortues

La valse lente des tortues dans Livres lus La-valse-lente-des-tortues-92x150 Roman de Katherine PANCOL

Nous retrouvons tous les personnages des Yeux jaunes des crocodiles : Antoine et Joséphine Cortes et leurs deux filles, Hortense et Zoé, Iris et Philippe Dupin et leur fils Alexandre, Marcel et Henriette Grobz, Josiane, Iphigénie, Shirley et Gary. Plus quelques nouveaux personnages arrivent, tous hauts en couleur : l’énigmatique Lefloc-Pignel, la pétulante Iphigénie, le beau Luca, etc.
Joséphine et ses filles ont quitté Courbevoie. La vente de son bestseller lui a en effet permis d’acquérir un bel appartement dans un beau quartier de Paris. Alors qu’elle rencontre Luca, un beau brun ténébreux avec lequel elle espère reconstruire une vie de couple après le départ puis la mort d’Antoine, voici qu’il réapparaît dans sa vie. Il ne serait pas mort dans la gueule d’un crocodile puisque ses filles reçoivent des lettres écrites de sa main et qu’elle le croise un jour dans le métro.
Hortense, pour qui elle a déménagé car sa fille aînée ne cache pas son goût pour l’argent et le luxe, part étudier à Londres, dans une grande école de stylisme. Joséphine se retrouve seule avec sa fille cadette qui souffre de la disparition de son père et que les courriers perturbent sérieusement.
Un jour, Joséphine est agressée. Ce n’est que le premier acte manqué d’une longue série de meurtres. L’assassin pourrait habiter dans son immeuble. Et si c’était Luca, cet amoureux étrange dont elle découvre qu’il mène une double vie ? Et si c’était Antoine, malheureux d’avoir raté sa vie, jaloux du succès de son épouse qu’il a abandonnée pour une femme plus jeune et un rêve plus fou ?
On retrouve avec grand plaisir tous les personnages attachants des Yeux jaunes des crocodiles et ce roman de plus de six cents pages se dévore.
A noter que la suite est Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi, que j’ai malencontreusement lu en premier, par ignorance des tomes précédents.

Les Yeux Jaunes des Crocodiles

lesyeuxjaunes.jpg Roman de Katherine PANCOL

Joséphine et Antoine Cortes se séparent. Chercheuse au CNRS, elle fait bouillir la marmite pendant que son époux cherche un emploi. Lorsqu’il propose de partir pour la soulager de sa présence, elle accepte et apprend peu de temps après qu’il a une maîtresse, Mylène, employée dans un salon de beauté.
Iris, la sœur de Joséphine, mariée au très riche Philippe Dupin, s’ennuie dans sa vie confortable mais insipide. A l’occasion d’un dîner, pour attirer l’attention sur elle, elle déclare être en train d’écrire un livre sur le XIIe siècle, précisément la période de l’Histoire qui est la spécialité de Joséphine. Harcelée par l’éditeur auprès de qui elle s’est vantée, Iris demande à sa sœur d’écrire le roman pour elle en échange d’une forte somme d’argent. Joséphine accepte car entretemps Antoine s’est lancé dans un élevage de crocodiles au Kenya et a emprunté une forte somme d’argent qu’elle doit rembourser lorsqu’il s’avère incapable de faire face à ses obligations.
Joséphine a deux enfants, Hortense et Zoé. La première, quinze ans, sait déjà ce qu’elle veut dans la vie et très précisément ce qu’elle ne veut pas : vivre dans la pauvreté. Tous les moyens seront bons pour y échapper. La seconde, dix ans, est plus fragile et souffre de l’absence du père.
Iris a un garçon, Alexandre. Lorsque Philippe découvre petit à petit la supercherie du roman, il se rapproche de son fils.
Henriette Grobz, la mère de Joséphine et Iris, est une femme aigrie et méchante qui ne voit que par Iris. Arriviste, elle avait mis le grappin sur Marcel, riche industriel, après la mort de son premier mari, pour se sortir de sa modeste condition. Elle ignore que Marcel file le parfait amour avec sa secrétaire qui accepte de lui donner ce qu’elle lui a toujours refusé : un enfant.
Shirley vit avec son fils Gary à Courbevoie, sur le même palier que Joséphine. C’est sa meilleure amie, même si Shirley lui cache un énorme secret.
Le roman est mené à grande vitesse, sans aucun temps mort. Premier tome d’une saga, il est suivi de deux autres tomes : La valse lente des tortues et Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi.
A lire absolument.

Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi

lescureuilsdecentralpark2.jpg Roman de Katherine PANCOL

Il y a Joséphine et ses deux filles, Hortense et Zoé, respectivement vingt et quinze ans. La première est sûre d’elle, de sa beauté, de son intelligence, de son charisme. Elle veut devenir styliste et se donne les moyens de réussir. L’amour n’est pas dans ses projets, même si un certain Gary occupe son cœur.
Il y a Shirley, amie anglaise de Joséphine et mère de Gary. Fille clandestine de la reine d’Angleterre, elle a décidé de ne plus se laisser avoir par les hommes après son histoire désastreuse avec le père de Gary. Mais un jour, elle rencontre Oliver.
Il y a Philippe, beau-frère de Joséphine. Veuf, il aime sa belle-sœur d’un amour réciproque. Mais les choses ne sont pas simples depuis la mort violente d’Iris, la sœur de Joséphine qui avançait dans la vie un peu comme Hortense.
Il y a Henriette, la mère de Joséphine et Iris, qui ne pense qu’à nuire à son ex-mari, Marcel Grobz, riche industriel. Pour se venger d’un divorce qui l’a mise à l’écart de l’entreprise, elle persuade Bruno Chaval, ancien amant d’Hortense, de l’aider à se venger en lui promettant la reconquête de sa petite-fille.
Il y a Josiane, la nouvelle épouse de Marcel Grobz, et leur fils Junior, un enfant surdoué.
Les destins se croisent et s’entremêlent. Il n’y a pas de temps mort, on passe d’un personnage à un autre sans avoir le temps de se lasser ; on va de Paris à Londres en passant par Edimbourg et New York. Si cela était possible, on lirait ce roman de plus de huit cents pages d’une traite !
Seul bémol, rien ne dit, ni sur la couverture ni dans l’avant-propos, qu’il s’agit d’une suite. L’histoire commence en fait avec Les yeux jaunes des crocodiles, se poursuit avec La valse lente des tortues et se finit (ou pas…) avec Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi. Je vous conseille donc vivement de commencer par Les yeux jaunes !

 

 

 

Lettres à Yves

lettresyves.jpg Témoignage de Pierre BERGE

Après la mort d’Yves Saint Laurent en 2008, son ami Pierre Bergé lui écrit, tant la douleur de l’absence est difficile à supporter. En une cinquantaine de lettres, l’homme retrace cinquante ans de vie commune, une vie de couple faite de hauts et de bas, de ruptures et de retrouvailles, de drogue et de maladie, de notoriété et de solitude.
Pendant un peu plus d’un an, le vieil homme adresse à son ancien compagnon des lettres de Paris mais surtout de Marrakech où ils avaient acheté ensemble une maison et où le couturier a un mausolée dans le fameux jardin Majorelle que le couple avait acheté quand des promoteurs prévoyaient de le raser. Il évoque le monde de la mode, le talent d’Yves Saint Laurent dans ce domaine, son génie de créateur, l’inventeur du prêt-à-porter. Il nous raconte à mots couverts les difficultés de vivre aux côtés d’un être dévoré par la passion, enclin à tous les excès et qui aimait flirter avec la mort.
Pierre Bergé nous parle aussi d’amour, ce sentiment qui l’a submergé quand il a rencontré Yves Saint Laurent. Tous deux étaient jeunes et malgré les tabous de l’époque, au début des années soixante, ils ont pu vivre leur amour sans se cacher. Il y eut des disputes, des tromperies de part et d’autre, des ruptures, mais toujours ils revenaient l’un vers l’autre car ils étaient faits l’un pour l’autre. Il y eut les instants de doute, les moments de gloire, les jours de solitude, puis la maladie qui ne fut jamais révélée au patient pour lui offrir une fin de vie décente, sans le stress des thérapies ni l’angoisse de la mort.
Dans chacune des lettres de Pierre Bergé, on sent son chagrin d’avoir perdu l’être aimé malgré sa lucidité sur les défauts de l’homme qu’il n’a jamais cessé d’aimer et surtout la difficulté de faire face à l’absence.

 

Clara et les nouvelles du monde

claraetlesnouvellesdumonde.png Roman de Fabrice GOEURY

Nathan, un vieil homme, décède après avoir laissé un manuscrit à l’attention de sa petite-fille, Clara. La jeune femme, avertie du décès de son grand-père, vient dans la maison à la recherche de souvenirs de son enfance et de son aïeul dont elle était très proche.
Elle se rend immédiatement dans le grenier et y découvre un manuscrit et un rouleau de parchemin sur lequel Nathan lui dévoile qu’un secret l’attend à l’issue de la lecture des vingt nouvelles dans lesquelles il a disséminé des indices pour la guider.
Le premier indice est le prénom de sa meilleure amie qui se manifeste le soir même pour lui remettre un courrier de la part de son grand-père. Parmi les nouvelles, Clara découvre celle mettant en scène un couple qui fête ses dix ans de mariage ; ils embarquent dans l’avion qui doit les emmener sur l’île de la République Dominicaine. Malheureusement, l’avion s’écrase. Immédiatement, Clara pense à sa propre histoire puisqu’elle a perdu ses parents partis fêter leur anniversaire de mariage sur l’île de la République Dominicaine. D’autres nouvelles, relatant d’autres parcours de vie, lui fournissent des histoires troublantes et des indices qui la mènent inexorablement sur cette île qui fut le théâtre de son malheur. Sans l’ombre d’une hésitation, Clara prend l’avion pour cette destination afin de connaître enfin le secret que son grand-père a souhaité lui révéler.
En dépit de coquilles, ce petit roman sous forme d’enquête est plutôt bien écrit, la démarche est très originale et on se laisse très rapidement embarquer dans cette histoire à tiroirs jusqu’au dénouement inattendu.


L’écrivain

lcrivain.jpg Roman de Yasmina KHADRA

Dans l’Algérie des années 60, un père conduit son fils qu’il dit adorer dans une école militaire. Enfant de troupe, le jeune Mohammed échappe à la misère et bénéficie d’une éducation et d’une instruction ; il aura plus tard un métier. Bref, son destin est tracé d’avance, voulu par son père, lui-même officier, pour son bien. Mais la séparation est difficile et la fêlure ne cicatrisera jamais, d’autant que ce père adulé prend une seconde épouse, puis une troisième, puis abandonne sa première femme et ses enfants. Au gré de ses vacances, le jeune garçon constate l’indigence de sa mère et sa haine envers le père grandit. Si bien qu’il est à chaque fois presque heureux de retrouver les hautes murailles du pensionnat.
Et puis un jour, c’est la révélation ! Mohammed découvre la magie des mots, ceux qu’il lit mais surtout ceux qu’il écrit, ceux qui naissent sous sa plume. Ce goût pour l’écriture va rapidement se transformer en passion. Il écrit des poèmes puis des textes divers et rencontre auprès de ses camarades et même des professeurs, un certain succès. Parallèlement, il s’intéresse au théâtre et participe activement aux représentations dans l’enceinte du pensionnat.
Certains encadrants cependant ne voient pas d’un bon œil cette notoriété et ce goût atypique pour l’écriture. Par ignorance et jalousie, ils font payer à « l’écrivain » sa singularité et sa popularité ; ils essaieront en vain de le casser.
Bachelier, Mohammed s’interroge sur son avenir. Doit-il suivre la voie royale tracée et souhaitée par son père ? Doit-il quitter l’armée pour suivre sa vocation d’écrivain ? S’il rend son uniforme d’officier, il rendra son père et même sa mère, convaincue qu’il est voué à une brillante carrière militaire, très malheureux. Il est leur fierté à tous deux. S’il abandonne son projet de devenir écrivain, c’est un rêve qui prend fin. Cruel dilemme car le jeune homme sait bien qu’il ne peut d’une main tenir un fusil et de l’autre un stylo…
Ce livre est l’autobiographie de Mohammed Moulessehoul alias Yasmina Khadra. Un récit bouleversant, édifiant, une leçon de courage et la preuve que la persévérance paie.

L’automne des chimères

lautomnedeschimres.png Roman de Yasmina KHADRA

Après Morituri et Double-blanc, ce roman termine la trilogie des enquêtes policières de Brahim Llob, commissaire à Alger, du temps de la guerre civile.
Llob assiste à l’enterrement d’un ami d’enfance devenu un intellectuel constamment en danger dans l’Algérie de l’intégrisme, égorgé en plein jour dans son jardin. Très éprouvé par ce drame qui pourrait bien être la goutte d’eau qui fait déborder le vase, tant le nombre incalculable de cadavres atrocement mutilés hante ses nuits, il tombe sur son lieutenant, le fidèle Lino qui se ferait plutôt couper la langue que d’avouer le respect et l’affection qu’il ressent pour son supérieur, qui l’informe d’une convocation chez le grand patron. La tête d’enterrement que tire Lino, certes de circonstance !, ne rassure pas Llob qui se demande quel ciel va encore lui tomber sur la tête.
Sans circonlocution, avec une certaine morgue et une indéniable sensation de jouissance, son chef lui annonce qu’il est limogé et probablement mis à la retraite. Le motif ? Un roman, un roman policier que le flic le plus intègre d’Alger a écrit et publié pour dénoncer les atrocités de la guerre civile et le laxisme du pouvoir en place.
Brahim Llob, en attendant la décision de la hiérarchie sur son compte, part se ressourcer dans son village natal.
Lorsqu’il est de nouveau convoqué, après avoir été lui-même victime d’un attentat, il apprend avec surprise et un certain détachement que la sanction est levée. Il peut reprendre son poste ; son lieutenant et sa secrétaire l’attendent. Mais lui a perdu la foi.
Une enquête policière à l’image des deux précédentes, peut-être davantage axée sur la psychologie du personnage central, ce commissaire intègre en fin de carrière qui en a vu de toutes les couleurs mais qui a toutefois gardé son âme d’enfant dans certaines circonstances douloureuses.

Double blanc

doubleblanc.jpg Roman de Yasmina Khadra

Une nouvelle enquête du commissaire Llob, policier à Alger, la ville blanche qui se teinte en rouge au gré des crimes perpétrés par les intégristes durant toutes ces années de guerre civile.
Cette fois, le commissaire à la San Antonio cherche à élucider l’assassinat de Ben Ouda, un intellectuel brillant qu’il a connu des années plus tôt.
Pour le seconder, outre son lieutenant Lino, une nouvelle recrue lui est allouée : Ewegh Seddig, un colosse à quoi rien ne résiste et qui décoche des uppercuts meurtriers à ses adversaires qui n’ont même pas le temps de dégainer leur flingue. Le canon du revolver encore dans la ceinture de leur pantalon, ils gisent à terre, baignant dans leur propre sang, les mâchoires fracassées, les dents réduites à l’état de souvenir et le nez explosé.
On retrouve la même verve, le même vocabulaire imagé pour évoquer la terreur qui régnait à Alger aux mains des Islamistes.

Morituri

morituri.jpg Roman de Yasmina KHADRA

Le commissaire Llob, policier à Alger, traque les Islamistes avec son co-équipier Lino. Dans l’Algérie en guerre, où les extrémistes tiennent un fusil dans une main et le coran dans l’autre, ils risquent chaque jour leur vie. Llob enquête sur la disparition d’une jeune fille. Contrairement à l’impression que donnent les premières pages, le commissaire, la cinquantaine, n’est pas un célibataire endurci mais un homme marié et père de famille. On le suit dans les rues de la capitale algérienne, dans les bars louches, les gourbis et les somptueuses villas. Jour après jour, au gré des massacres, le commissaire Llob avance, la peur au ventre. Son épouse aussi craint chaque minute de retard ; d’ailleurs, elle est prématurément vieille à force de s’inquiéter pour son mari. Malgré tout, le commissaire poursuit sa quête.
Cependant, les amateurs de vrais romans policiers seront déçus car dans ce petit livre, l’enquête policière n’est qu’un prétexte pour évoquer la guerre civile en Algérie, la violence, les meurtres, la barbarie, les attentats dont sont victimes les militaires mais aussi les habitants, femmes et enfants compris. Le commissaire est une sorte de San Antonio à la sauce algérienne, avec des expressions aussi fleuries et imagées, parfois tirées par les cheveux et dépourvues de naturel.
Ce livre a été écrit du temps où Mohammed Moulessehoul, commandant dans l’armée algérienne, n’avait pas fait son coming out. Prendre un pseudonyme était alors le seul moyen pour cet homme de pouvoir écrire et survivre. L’écrivain depuis a révélé qui se cachait sous ce nom de plume féminin et il a dû quitter son pays, menacé de mort ainsi que sa famille pour avoir révélé les atrocités dont se rendaient coupables les soldats de l’armée régulière et les intégristes qui n’hésitent pas à fusiller un petit garçon qui se rend à l’école ou une jeune fille qui refuse de porter le voile.

Les Feux d’Eden

lesfeuxdeden.jpg Ouvrage mixte de Gérard DALSTEIN

Publié aux Editions Paroles de Lorrains, cet ouvrage de 160 pages au format A4 est un fabuleux hommage aux hommes du fer, aux métiers de la sidérurgie qui était la richesse de la Lorraine.
C’est un ouvrage mixte car il présente à la fois des textes en prose, des poèmes et des illustrations, elles aussi variées dans leurs techniques : aquarelle, gouache, pastel, fusain, etc. Les poèmes sont de facture néo-classique pour la plupart et d’une grande intensité d’expression. Et chaque poème est encadré par une frise personnifiée avec beaucoup de recherche dans le détail.
Bref un vibrant hommage aux hommes du fer par un auteur qui a mis son coeur et ses tripes dans ce travail titanesque qui ne peut laisser personne indifférent. Les lecteurs issus des générations de métallo retrouveront avec émotion des souvenirs d’enfance et ceux qui n’ont du monde la sidérurgie qu’une vague image, erronée ou idéalisée, seront touchés par la découverte de ce monde que Gérard Dalstein met à la portée de tous par sa prose, sa poésie et ses dessins.
Seuls bémols, l’ouvrage est d’un format peu pratique et son prix un peu onéreux, mais c’est un livre que l’on garde et qu’il est indispensable de posséder pour comprendre la Lorraine d’aujourd’hui au travers de son passé récent.

A quoi rêvent les loups

aquoirventlesloups.jpg Roman de Yasmina KHADRA

Nafa Walid est un jeune homme désœuvré. Avec sa belle gueule de beau gosse et après une première expérience d’acteur, il se voyait déjà arrivant à Paris pour tourner avec les plus grands réalisateurs et choisir parmi les innombrables groupies celle qui aurait le privilège de passer la nuit dans ses bras. Mais à la fin des années 80, la guerre a éclaté entre l’armée algérienne et les bandes armées islamistes. Nafa ne peut plus quitter Alger qui est à feu et à sang.
Son meilleur ami, parvenu à se hisser dans la couche sociale des gens aisés, lui obtient un boulot de chauffeur pour une richissime famille algéroise. Mais le jeune homme, à la fois rêveur et ambitieux, supporte mal sa condition servile, domestique corvéable jour et nuit.
Une nuit, réveillé en sursaut par l’homme à tout faire dédié au fils de la maison, Nafa doit l’aider à faire disparaître le cadavre d’une adolescente décédée d’une overdose dans les bras du jeune maître. Nafa ne supporte pas la sauvagerie avec laquelle son compagnon massacre le visage de la jeune morte pour rendre impossible toute identification et il s’en va.
Mais la vie à la maison, tellement misérable, ne lui convient pas non plus. Il se heurte à son père. Il songe donc à prendre épouse et s’éprend d’une belle jeune fille, la sœur d’un ami qu’il rencontre quotidiennement au bistrot du quartier. Celui-ci, fanatisé, ne tolère aucun écart de conduite de la part des femmes et a interdit à sa sœur, cadre dans une grande entreprise, de s’habiller à l’européenne. Nafa n’a pas le temps de lui avouer son désir d’épouser sa sœur que celui-ci l’assassine à l’occasion d’une grande manifestation de femmes qui s’opposent au port du voile et à laquelle une collègue de la jeune femme avait réussi à l’entraîner.
Petit à petit, Nafa fréquente les islamistes et un jour, il accepte une mission, puis une autre, et finit par se retrouver intégré dans un groupe de combattants armés. Enfin reconnu pour ses qualités, le jeune homme qui rêvait de devenir une star va se transformer en un intégriste d’une extrême violence.
Un livre fort sur la métamorphose d’un garçon fanatisé.

Les agneaux du Seigneur

lesagneauxduseigneur.bmp A Ghachimat, village de l’Algérie d’aujourd’hui, on est loin des préoccupations des Algérois, de la montée de l’intégrisme et du terrorisme. Tout le monde se connaît, tout le monde s’épie et s’envie, tout le monde se juge. Par dépit amoureux, l’instituteur Kada Hillal, furieux de se faire souffler la fille qu’il aime par un policier, quitte le village et rejoint les rangs des intégristes.
Quand il rentre à Ghachimat, fanatisé et désireux d’en découdre, le village bascule dans la terreur. Les crimes se succèdent, alimentés par les vengeances et les vieilles rancunes. Les jeunes hommes autrefois tranquilles s’organisent en bandes et font régner la terreur. Ils assassinent sans aucune distinction imam, maire, hommes, femmes et enfants et même des nouveau-nés après leur avoir infligé de terribles tortures. Et quand l’un d’entre eux, ayant souffert dans son enfance des quolibets de ses camarades en raison de son nanisme devient agent double, les choses se compliquent et les horreurs s’intensifient, au point que tous ou presque finiront par trouver la mort.
Un livre très bien écrit, peut-être un peu plus politisé que les précédents et donc un peu moins accessible.

L’imposture des mots

limposturedesmots.jpg Récit de Yasmina KHADRA

Ce livre n’est pas un roman mais un récit.
Après la parution du livre autobiographique L’écrivain (que je n’ai malheureusement pas encore lu !) dans lequel l’auteur dévoile sa véritable identité, c’est la catastrophe ! Car l’écrivain au nom féminin est non seulement un homme, Mohammed Moulesselhoul, mais aussi soldat, officier supérieur dans l’armée de son pays, l’Algérie.
Alors qu’il a toujours dénoncé l’intégrisme et les massacres qui sévissent dans son pays, le voilà soudain accusé de félonie par les uns, de complicité de la barbarie dont il se faisait le témoin par les autres. Alors Khadra démissionne de l’armée et se réfugie en France.
Ses livres signés Khadra ont toujours reçu un excellent accueil à la fois par la critique et le lectorat. Mais une fois le masque de l’anonymat baissé, ses opposants s’acharnent sur l’ancien officier, ignorant l’écrivain, allant même jusqu’à émettre l’hypothèse que Khadra ne soit pas l’auteur de ses livres.
Dans ce récit, l’auteur nous raconte ses joies et ses doutes d’écrivain, ses tourments, ses combats contre ses détracteurs mais également contre ses propres démons qui prennent la forme des personnages de ses précédents livres.
Un ouvrage à lire de préférence après « Les agneaux du Seigneur » et « L’écrivain » afin de mieux comprendre le cheminement et surtout l’irruption dans le récit des personnages de fiction.
Très bien écrit, avec sincérité et une bonne dose d’autodérision.

Les sirènes de Bagdad

lessirnesdebagdad.jpg Roman de Yasmina KHADRA

Le narrateur est un jeune Bédouin d’une vingtaine d’années, seul garçon de cinq enfants, le plus jeune avec sa soeur jumelle d’une famille irakienne. Contraint d’interrompre ses études depuis que le pays est en guerre, il vit chez ses parents à Kafr Karam, un petit village aux confins du désert, oublié par le conflit qui oppose l’Irak aux Américains et leurs alliés. Cette guerre, il la suit sur l’écran de télévision au café, en compagnie des copains et des vieux. Les jeunes s’ennuient et attendent ils ne savent trop quoi, certains disparaissent, enrôlés dans les rangs des résistants.
Jusqu’au jour où la guerre vient frapper à la porte de ce village paisible sous la forme d’un affront terrible pour un Bédouin. Cet affront, un peu incompréhensible pour les Occidentaux, prend de telles proportions dans la tête du jeune homme qu’il déclenche un véritable cataclysme.
Dès lors, il ne peut plus rester là à attendre, l’affront doit être vengé et il ne peut l’être que dans le sang.
Aussi quitte-t-il son village pour Bagdad, la grande ville naguère joyau de l’Orient et aujourd’hui dévastée, où les habitants meurent sous les obus des Américains ou sous les décombres causés par l’explosion d’un kamikaze.
Ce garçon paisible, incapable de tuer une mouche et même de rendre une gifle, va se muer en terroriste, prêt à tuer aveuglément pour essayer de rendre son honneur à sa famille et par là même retrouver sa dignité.
Un livre fort, comme les précédents, sur la transformation d’un jeune homme sans histoire en terroriste prêt à tout, y compris tuer en masse et mourir, pour laver un affront fait à lui-même, à sa famille et à son peuple.

L’attentat

lattentat.bmp Roman de Yasmina KHADRA

Le Docteur Amine Jaafari est chirurgien à Tel-Aviv. Arabe d’origine palestinienne, il a pris la nationalité israélienne pour étudier, travailler et vivre en Israël. Avec sa femme Sihem, ils incarnent le modèle de l’intégration réussie ; il jouit d’une excellente réputation et vivent une magnifique maison dans un quartier chic de la ville. Même s’il a souffert et même s’il est encore victime du délit de faciès, Amine est heureux car sa vocation de chirurgien l’amène à régulièrement sauver des vies.
Lorsqu’un restaurant d’un quartier proche est soufflé par un attentat, le Docteur Jaafari se bat aux côtés de ses collègues pour arracher des griffes de la mort des hommes, des femmes et des enfants.
Il rentre chez lui, fourbu, malheureux de l’absence de sa femme partie pour quelques jours dans sa famille.
Au milieu de la nuit, on l’appelle de l’hôpital. Sans poser de questions, il saute dans un pantalon et se rend sur son lieu de travail, prêt à opérer. Mais on ne l’attend pas pour une intervention chirurgicale. La police est là qui lui demande d’identifier un corps, celui du kamikaze responsable de l’attentat. Il s’agit d’une femme et Amine reconnaît SA femme.
Après une garde à vue musclée, il est relâché, rien ne laissant supposer une quelconque complicité avec la kamikaze ni aucune activité dans les organisations terroristes.
Alors qu’il refuse l’évidence, il reçoit une lettre, quelques mots de Sihem postés avant de mourir. Amine est dévasté. Comment est-ce possible ? Comment a-t-il pu vivre aux côtés de son épouse sans jamais se douter de rien ? Pour essayer de comprendre, Amine part enquêter.
Un livre très fort sur un sujet d’actualité : la souffrance des Palestiniens en particulier et comment une personne apparemment bien intégrée bascule dans le terrorisme en général.
Le récit est court mais dense, dans une langue à la fois moderne et littéraire.
A lire absolument.

Les hirondelles de Kaboul

leshirondellesdekaboul.jpg Roman de Yasmina KHADRA

Kaboul n’est plus une ville ensoleillée mais assombrie par l’obscurantisme. Dans les rues dévastées, les taliban rôdent, la cravache prompte à s’abattre sur l’échine des récalcitrants.
Mohsen Ramat fait partie de ces opposants au régime ; son épouse, ancienne avocate, est désormais cloîtrée dans sa maison délabrée par les obus. Entraîné par la foule qui se dirige vers le lieu d’une lapidation, Mohsen se surprend malgré lui une pierre à la main, jubilant avec ses compagnons tortionnaires à la vue de la femme qui vacille, enterrée jusqu’à la taille. Accablé par sa barbarie insoupçonnée, il avoue son forfait à son épouse qui comprend son désarroi malgré le dégoût qu’elle éprouve pour son forfait. Pour se changer les idées, Zunaira accepte la proposition de Mohsen d’aller se promener ensemble, malgré le tchadri (burqa) qu’elle doit porter et l’interdiction de prendre son époux par le bras. Mais ils sont interceptés par des miliciens qui forcent Mohsen à entrer dans le lieu de prière tandis que son épouse doit l’attendre, assise sous un soleil de plomb…
Atiq Shaukat, ancien moudjahid, a épousé par gratitude Mussarat, la femme qui l’a patiemment soigné. Devenu geôlier à Kaboul, il traîne son mal-être et son désœuvrement depuis la maladie de son épouse qui vit ses derniers jours. Le hasard lui fait rencontrer Zunaira, une lumière dans sa nuit, le détonateur de sa folie.
Ce petit roman tient en haleine de la première page à la dernière. Yasmina Khadra plonge son lecteur dans la touffeur et la noirceur de la ville fantôme où les vraies hirondelles ne sont pas près de revenir. Habile à cerner l’âme humaine, il démonte un à un les boulons qui tiennent l’être humain debout pour nous le montrer tel qu’il est, un loup qui hurle avec le reste de la meute, condamné à abandonner toute dignité et tout sentiment qui le placent au-dessus de toutes les espèces vivantes.

 

 

L’appel de l’ange

lappeldelange.bmp Roman de Guillaume MUSSO

Jonathan Lempereur, chef cuisinier français, vit à San Francisco. Madeline Greene, fleuriste anglaise, vit à Paris. A l’aéroport JFK de New York, ils se télescopent violemment et leurs téléphones volent dans les airs. Papa divorcé, il vient de récupérer son fils pour les vacances de Noël ; future mariée, elle attend son fiancé pour boire un verre avant le décollage. Après quelques injures réciproquement bien envoyées, chacun prend ses affaires et souhaite bon vent à l’autre. Mais dans leur précipitation, ils ont échangé leurs smartphones identiques. Jonathan reçoit un appel de la meilleure amie de Madeline et Madeline entend le message qu’a laissé l’ex-femme de Jonathan.
A partir de cette méprise, une enquête s’engage. Car ils ont une personne en commun. Une personne qu’a désespérément cherchée Madeline et que Jonathan a croisée et accompagnée pendant quelques heures.
Alors que Madeline s’apprête à renvoyer son téléphone à Jonathan, celui-ci commence à fouiller dans la mémoire de l’appareil de Madeline. Or un téléphone portable aujourd’hui en révèle bien plus sur son propriétaire que les journaux intimes de notre adolescence. Quand le Français interroge la jeune Anglaise sur un fichier bien précis, celle-ci comprend qu’il est sur le point de découvrir son secret. In extremis, elle récupère auprès du courtier le téléphone qu’elle lui avait confié pour qu’il soit retourné à son propriétaire.
Très vite, l’enquête personnelle se transforme en véritable enquête policière avec des vies à sauver et d’autres à sacrifier. Jonathan et Madeline, que tout oppose, se découvrent de nombreux points communs, outre cette personne qui a joué un rôle dans la vie de chacun. Mais cette personne va être le fil conducteur qui va les mener l’un vers l’autre et, peut-être, l’un avec l’autre.
Un roman haletant. On ne s’ennuie jamais, de la première à la dernière page. Une agréable lecture de vacances.

La dame du Palatin

ladamedupalatin.jpg Roman de Patrick de Carolis

En l’an 38 après J.-C., Paulina a douze ans. Elle vit heureuse en Arles, ville portuaire placée sous l’autorité du sénat romain, auprès de son père Paulinus, armateur, et de sa mère Séréna. À peine a-t-elle le temps d’éprouver son premier émoi amoureux qu’elle est fiancée au Romain Taurus, un homme mûr qui a répudié sa femme pour épouser la jeune fille. Ce mariage, basé sur les affaires, est un échec ; Taurus est un mari brutal et volage. Paulina met au monde son premier enfant, un fils. Enceinte du second, elle ne parvient cependant pas au terme de sa grossesse, victime de la violence de son mari. Peu de temps après, il lui annonce son départ pour une contrée de l’Asie où il vient d’être nommé gouverneur par l’empereur Claude. Quand Paulina apprend que le bateau sur lequel était parti son mari a fait naufrage, elle n’en éprouve aucun chagrin. Mais le sort s’acharne et bientôt son fils meurt. A dix-neuf ans, Paulina est veuve, elle a perdu deux enfants et ne pourra sans doute jamais en concevoir d’autres. Le temps d’une courte idylle avec son premier amour, l’affranchi Illion, elle renaît à la vie. Mais l’homme qu’elle aime part en Egypte sans la prévenir.
Lorsque Paulinus, momentanément installé à Rome, demande à son épouse de le rejoindre, Séréna hésite à quitter Arles. Décidée à tourner une page de sa vie, Paulina lui propose de partir à sa place. Le bateau qui doit l’emmener à Rome, pris dans une tempête, échoue sur une plage corse. C’est là qu’elle rencontre Sénèque, banni par l’empereur Claude. Paulina séjourne chez lui en attendant que le bateau soit réparé et une amitié ambiguë naît entre la jeune femme et le philosophe de cinquante ans. Avant son départ, Sénèque charge Paulina d’une missive pour son amie Agrippine, compagne de Claude et mère du futur Néron, afin qu’elle intercède en sa faveur.
À Rome, Paulina retrouve avec plaisir son père mais aussi son grand frère Paulinus le Jeune, envoyé à Rome dès l’âge de quinze ans. Peu de temps après, Sénèque est rappelé à Rome pour assurer la tâche de précepteur de Néron.
Devenue l’épouse du célèbre philosophe, Paulina va enfin connaître une vie d’épouse épanouie et un destin hors du commun, dans une Rome dirigée par un empereur sanguinaire.
Une grande épopée, parfois un peu difficile à lire malgré les efforts de l’auteur pour plonger son lecteur dans l’atmosphère de ces premières années de notre ère. Mais on finit par entrer dans l’histoire et on suit avec plaisir l’existence de cette jeune femme qui devient le témoin de toutes les turpitudes aux côtés d’un des plus grands auteurs de l’Antiquité.

 

La Rose pourpre et le Lys – Tome 2

larosepourpreetlelystome2.jpg Roman de Michel Faber

On retrouve dans ce tome 2 la prostituée Sugar, les frères Rackham, Agnès de plus en plus en proie à la folie et d’autres personnages encore comme Emeline Fox, amoureuse d’Henry Rackham qui refuse de se laisser aller à la luxure car il veut devenir pasteur.
William Rackham, celui des deux frères qui a repris la parfumerie paternelle alors qu’elle était de droit destinée à son frère aîné, a sorti Sugar de sa condition. Par amour et par égoïsme, il l’a installée dans un bel appartement des beaux quartiers de Londres et l’ancienne prostituée lui devient rapidement indispensable, non seulement pour assouvir tous ses désirs sexuels mais pour le conseiller dans la tenue des affaires. Car Sugar est intelligente, cultivée et dotée d’un sixième sens pour les relations humaines. La jeune femme n’a plus besoin d’espionner le couple Rackham ; elle a pris dans la vie de William une place que même son épouse ne tient pas. Cependant, pour se rapprocher encore davantage de son amant et partager son quotidien, elle lui propose de devenir la gouvernante de sa fille.
Sophie a six ans et mène une existence de recluse car Agnès, sa mère, déjà atteinte par la folie avant sa conception, n’a jamais pris conscience d’avoir enfanté et William lui a minutieusement évité la vue de sa fille. Quant à lui, il se contente de pourvoir à son éducation. Eu égard à l’instruction de Sugar, il congédie la nurse de l’enfant et engage donc officiellement sa maîtresse. Mais au grand désespoir de l’ancienne prostituée, leur intimité ne grandit pas avec la promiscuité. Jusqu’au jour où Agnès disparaît, la veille de son départ pour un asile. Mais cela non plus ne tourne pas à l’avantage de Sugar car William se montre beaucoup plus affecté de cette disparition qu’il ne devrait l’être. Sa seule consolation est Sophie. Cette enfant qui a bénéficié de si peu d’attention, se prend petit à petit d’une réelle affection pour sa gouvernante et Sugar se découvre des instincts maternels.
Ce second tome ravit le lecteur tout autant que le premier mais la fin le laisse… sur sa faim ! Alors qu’on vient d’ingurgiter plus de mille deux cents pages, on en réclame encore, on voudrait continuer à suivre les aventures de Sugar et William, indéfiniment, dans ce style très particulier et brillantissime qui contribue au succès de ce livre.
A lire absolument.

La Rose pourpre et le Lys – Tome 1

larosepourpreetlelystome1.jpg Roman de Michel FABER

L’histoire commence vers 1875. Dans les bas-fonds de Londres, Sugar est une prostituée particulièrement convoitée car elle est réputée assouvir et même partager tous les vices des messieurs qui viennent chez sa maquerelle, Mrs Castaway. William Rackham, mal marié à Agnès, jeune femme neurasthénique, découvre que Sugar est en plus intelligente et cultivée. Il tombe éperdument d’elle et décide, afin de pouvoir la sortir de la maison close et en avoir l’exclusivité, d’accepter de prendre la succession des Parfumeries Rackham qui ont fait la fortune de son père. Cet héritage aurait dû revenir à son frère aîné Henry, mais celui-ci se destine à la prêtrise. Jusque là rétif à se consacrer aux affaires, lui qui se sent plutôt l’âme artiste, William prend les rênes de l’entreprise prospère. Il peut dès lors jouir de la fortune de son père et ce changement se répercute aussi favorablement sur l’existence de son épouse qui n’est plus contrainte à l’économie comme du temps où ils vivaient sur la petite pension que daignait leur verser Rackham père.
À
la tête des Parfumeries Rackham, William prend davantage de plaisir aux affaires qu’il ne l’imaginait et il est surtout financièrement enfin en position d’installer Sugar dans un appartement des beaux quartiers de Londres. Ainsi la jeune femme devient-elle sa maîtresse et elle apprend très vite à dépenser l’argent qu’il met chaque mois à sa disposition. Pour autant, Sugar n’abandonne pas son grand projet : la publication de son premier roman. Très inspiré par sa propre vie, il est son exutoire, sa raison de vivre et son secret le plus intime. Alors quand William Rackham commence à montrer des signes de lassitude à son égard, à la fois surchargé de travail et préoccupé par la santé de sa femme qui se dégrade progressivement, Sugar craint pour sa survie dans ce quartier chic de la capitale anglaise. Alors elle se met à espionner le couple Rackham.
Dès les premiers pages, on est embarqué, au sens propre du terme, dans ce roman par l’auteur qui prend son lecteur par la main pour le guider dans les ruelles malfamées du Westend londonien et lui présenter les personnages qu’il va côtoyer pendant plus de cinq cents pages. Merveilleusement écrit, même dans ses scènes les plus crues et ses actes les plus vils, ce roman est fascinant et, arrivé au terme du premier tome, on se jette sans tarder dans le deuxième pour savoir ce qu’il va advenir de la pauvre Agnès en proie à une terrible maladie cérébrale, si Henry Rackham, tourmenté par les désirs de la chair en contradiction avec ses aspirations religieuses, va pouvoir trouver la paix et faire un choix de vie, et enfin si William Rackham va réussir à rendre Sugar, la prostituée sans aucune illusion sur les hommes, heureuse d’une certaine manière. Et surtout, quelle est la destinée de l’improbable écrivain qu’est Sugar ? 

Le voleur d’ombres

levoleurdombres.jpg Roman de Marc LEVY

Un jour, le monde du narrateur – qui n’a pas de nom – s’écroule : son père quitte la maison. Ce même jour, il avait découvert un étrange pouvoir : il lisait dans le cœur des autres en chevauchant leur ombre. Alors qu’il s’apprêtait à confier ce secret à son père, celui-ci s’en allait, les laissant, lui et sa mère, dans la peine. Durant toutes les années de son enfance et de son adolescence, il a attendu la visite de son père qui n’est jamais venu le voir, ainsi qu’il l’avait promis. Alors il se raccroche à sa mère et à son ami Luc, le fils du boulanger. Un jour, en vacances avec sa mère au bord de la mer, il fait la connaissance de Cléa, une petite fille sourde et muette. A la fin de la semaine, il lui promet de revenir l’année suivante. Malheureusement, il n’a jamais pu honorer cette promesse car sa mère et lui ne sont jamais retournés en vacances à cet endroit.
Devenu adulte, il part étudier pour devenir médecin. Il rencontre Sophie. Depuis l’enfance, il ne parle plus beaucoup avec les ombres ; pourtant, une fois, il parvient grâce à son étrange pouvoir à deviner le secret d’un petit garçon qui se laisse mourir de faim. Il conquiert ainsi le cœur de Sophie. Mais leur relation a du mal à prendre son envol, même s’il emmène la jeune fille dans son village pour qu’elle fasse la connaissance de sa mère et de son meilleur ami à qui il propose de venir réaliser son rêve : étudier la médecine. Les deux garçons et la jeune fille forment un trio aux sentiments ambigus et aucun ne semble vraiment heureux.
Et puis un jour, alors qu’ils sont tous les trois dans une station balnéaire, le passé remonte à la surface et tout bascule. Il se souvient de cette plage, de ce phare, de ce petit garçon qu’il était manipulant un cerf-volant, et cette petite fille, Cléa…
Dans ce roman, humour et émotion alternent avec bonheur et le lecteur qui apprécie l’univers imaginaire de l’auteur entrera sans difficulté dans la peau du personnage qui a en lui plus d’humain que de surnaturel.
Un très bon Marc Lévy, peut-être le meilleur.
 

L’étrange voyage de Monsieur Daldry

ltrangevoyagedemonsieurdaldry.jpg Roman de Marc LEVY

Alice Pendelbury, célibataire et sans famille, vit à Londres. Grâce à des facultés olfactives extraordinaires, elle vit des parfums qu’elle élabore et parvient à vendre aux parfumeurs de la ville. Son voisin de palier, Ethan Daldry, peintre, vit surtout de ses rentes. Acariâtre, il supporte très mal le bruit et quand la bande de copains d’Alice, composée de trois garçons et une fille, débarque chez elle, il finit par frapper pour faire cesser la gaieté un peu bruyante de la joyeuse bande.
Quelques jours avant Noël 1950, les cinq amis décident de se rendre au bord de la mer, à Brighton, où se tient une fête foraine. Les garçons incitent Alice à consulter une voyante qui la dévisage depuis quelques minutes. Alice y consent et la vieille femme lui prédit un long voyage pour retrouver celui qu’elle cherche depuis toujours sans le savoir et lui annonce que l’homme qui comptera le plus dans sa vie vient juste de passer derrière elle. Alice se retourne et ne voit que sa bande de copains dont Anton… Alors qu’elle n’avait nulle intention de nouer des liens avec son voisin au mauvais caractère, celui-ci l’invite à déjeuner pour se faire pardonner son intrusion chez elle devant ses amis. Alice accepte et lui parle de la fameuse prédiction. Comme ni l’un ni l’autre n’a de famille où aller passer Noël, Ethan lui propose de l’emmener à Brighton afin de revoir la voyante. Alice accepte et la vieille dame lui apprend quelle devra se rendre à Istanbul et rencontrer six personnes qui la guideront successivement vers l’homme qui comptera le plus dans sa vie.
Daldry, qui vient d’hériter de son père, lui propose de financer le voyage et de l’accompagner. Alice accepte à condition qu’ils profitent du voyage pour s’allier en affaires : elle élaborera un nouveau parfum avec les senteurs caractéristiques d’Istanbul et ils se partageront les gains. Ethan de son côté promet de l’associer aux revenus qu’il tirera du tableau qu’il peindra à son retour de Turquie.
Un livre très agréable à lire, essentiellement constitué de dialogues. Un voyage initiatique avec des personnages emblématiques et une histoire très bien ficelée, sans rien qui soit tiré par les cheveux. On y croit et on a hâte de savoir comment Alice va remonter le fil de son existence et celle de ses parents pour parvenir à ses origines. La fin, hélas, est un peu prévisible.

L’ombre de ma voix

lombredemavoix.jpg Autobiographie de Patricia KAAS

Les autobiographies ou biographies de stars ne sont pas à proprement parler mes livres de chevet ! Je crois même que c’est la première que je lis. J’aime assez la chanteuse et son répertoire, un peu moins la femme, en tout cas le peu que je connaissais… Mais je l’ai vue récemment dans une émission de télé où elle était venue présenter son livre et j’avais été touchée par sa franchise d’emblée : ce livre a été écrit avec une professionnelle de l’écrit sur la base d’entretiens. Un peu ce que je fais avec mes clients anonymes qui souhaitent écrire le roman de leur vie pour leur descendance. Ma curiosité était donc piquée…
Ce livre est bien écrit, articulé autour de nombreux thèmes. On y découvre la petite fille, dernier enfant de sept, dans sa famille dont le père, mineur, a épousé une Allemande. On suit son parcours étonnant, depuis ses débuts dans les bars de chaque côté de la frontière jusqu’à son ascension sur les scènes parisiennes, nationales et internationales.
Patricia Kaas se livre entièrement. Elle nous parle de ses racines, de son amour pour son père ouvrier, pour sa mère qui l’a couvée sans la brider, de son chagrin à la mort de celle-ci, de sa peur à exprimer des sentiments, de sa fragilité de femme et de sa force d’artiste.
Elle nous raconte ses joies quand elle foule les scènes les plus prestigieuses, son émotion quand elle rencontre les plus grands de ce monde, de son humilité face à son fabuleux destin, de ses doutes avant et après le tour de chant. Elle nous confie son désespoir de ne plus pouvoir enfanter, maintenant qu’elle se sent prête, enfin mûre pour donner à un être des bases solides pour bien grandir.
Ce livre m’a profondément touchée car je me suis reconnue dans certains comportements, dans cette difficulté à dire « je t’aime », dans cette impression qu’on ne mérite pas le bonheur qui nous arrive, dans ce fatalisme quand le bonheur s’en va, comme si c’était inévitable, comme s’il s’était trompé de personne et qu’après s’être égaré à nos côtés, il s’envolait vers le bon destinataire.
Patricia Kaas n’a pas oublié sa région, son milieu, et elle en est fière. Cela la rend infiniment sympathique et je ne doute pas que cette autobiographie touche le cœur de ses admirateurs et gagne celui de gens comme moi, qui aiment bien ses chansons sans être fan de la chanteuse.

 

 

 

La promenade des Anglais

lapromenadedesanglais.bmp Roman de Max GALLO

Quatrième et dernier tome de la saga « La baie des Anges ».
Dante Revelli a épousé Denise et tous deux forment un couple désaccordé ; leur fille Christiane est trop jeune pour s’en rendre compte mais Roland, né en 1932, souffre du tiraillement qu’il subit entre eux deux, tour à tour fier du père ouvrier et communiste, malheureux pour sa mère qui rêvait d’une vie meilleure et honteux de ses origines.
Roland Revelli ressemble à son grand’oncle Carlo, l’entrepreneur qui a fait fortune. Comme lui, il est ambitieux.
Et puis la guerre éclate. Les Italiens, puis les Allemands, envahissent Nice. Gustav Hollenstein, propriétaire juif de l’hôtel où travaille et vit Dante, beau-père de la fille de Carlo Revelli, est arrêté ainsi que Jean Karenberg et Rafaele Sori, deux camarades de Dante.
Avant son départ, Violette, la petite sœur de Dante, se donne à Rafaele et met au monde un fils qu’elle nomme Vincent, en hommage à son père, mort dans sa maison bombardée. Rafaele ne revient pas de la guerre. Sam Lasky, l’amant de Violette, élève l’enfant comme s’il était le sien, même si Violette ne lui cache pas qui est le père et insiste pour qu’il s’appelle aussi Revelli.
Roland est ambitieux mais il sera ouvrier dans l’entreprise de Carlo. C’est sa sœur Christiane qui fera des études et deviendra professeur. Mais Roland se hisse vers les fonctions de chef grâce à son cousin Alexandre, le fils de Carlo, qui lui donne des responsabilités. Roland, qui a épousé Jeanne, ne parvient cependant pas à trouver la paix et lui refuse l’amour. Ni sa femme ni sa fille ne parviennent à apaiser ses rancœurs et à le stabiliser ; il veut toujours plus sans jamais parvenir à se satisfaire. Aigri comme sa mère, passera-t-il à côté du bonheur à force de regarder toujours plus loin que ceux dont il partage la vie ?

Le Palais des fêtes

lepalaisdesftes.jpg Roman de Max GALLO

Dans ce tome 3 de La Baie des Anges, nous retrouvons les trois frères Revelli, partis à pied de leur Piémont natal pour venir travailler à Nice.
La première guerre mondiale est finie. Dante, le fils aîné de Vincente, rentre indemne, mais le fiancé de sa sœur Louise a été tué ; Lucien, conçu hors mariage juste avant le départ de Millo, s’appelle dont aussi Revelli.
Carlo a fait fortune, à la force du poignet, truelle à la main et un sens inné du business. Il a épousé Anna Porzanengo, fille de son ancien associé, et a deux enfants, un garçon Alexandre et une fille Mafalda.
Luigi est revenu infirme de la guerre, amputé du bras droit. Il reprend ses activités comme patron de boîtes de nuit, flirte avec le milieu mafieux sans pouvoir se débarrasser de l’emprise du commissaire Ritzen dont il est l’indicateur.
Frédéric Karenberg, père d’un petit garçon, est toujours communiste, même s’il a un peu perdu la foi.
Sa sœur Hélèna, ancienne maîtresse de Carlo Revelli, a épousé Gustav Hollenstein, Autrichien juif, propriétaire d’un hôtel à Nice, et mis au monde une fille, Nathalie. Un peu avant la déclaration de guerre, Gustav se réfugie en Suisse avec sa fille tandis que son épouse refuse de les suivre ; elle se voue aux blessés qui commencent à arriver, avant de se suicider. La guerre terminée, Gustav et Nathalie rentrent en France et la jeune fille épouse Alexandre Revelli ; les mauvaises langues diront que deux fortunes se sont associées… Quant à Mafalda Révelli, elle épouse Charles Mérani, le fils du médecin qui a accueilli les trois frères à leur arrivée à Nice.
Violette, la dernière fille de Vincente, marche sur les pas de l’oncle Carlo qu’elle ne connaît cependant pas. Mais comme lui, elle refuse sa condition et veut tout faire pour y échapper. Couturière dans un atelier, elle fait la connaissance de Philippe Roux qui l’introduit dans le monde du cinéma. De défilés de mode en publicités, elle commence à bien gagner sa vie et s’offre un appartement mais refuse le mariage. Elle veut être libre, Violette, à moins qu’elle ne pressente que l’amour soit autre chose que sa relation avec Philippe qu’elle finit par quitter. Lorsqu’elle rencontre Rafaele Sori, elle vit en couple avec Sam Lasky, un juif polonais de vingt ans son aîné. Le désir d’enfant la taraude. Ses frères Dante et Antoine, qui ont épousé l’un une amie de Violette et l’autre la sœur de Rafaele, ont chacun un enfant. Mais Sam refuse.
Et la Seconde Guerre mondiale éclate. Alors que Sam vient de partir, Violette se donne à Rafaele qui, lui aussi, part rejoindre son régiment.
Une saga familiale palpitante sur fond historique.

Les bâtisseurs

ilsvenaientdelamontagne1.bmp Roman de Max Gallo

Dans ce tome 2 de La Baie des Anges, nous retrouvons les trois frères Revelli, partis à pied de leur Piémont natal pour venir travailler à Nice.
L’aîné, Carlo, a fait du chemin. A la force des poignets, il est devenu entrepreneur et un notable de la ville. Associé à un entrepreneur vieillissant dont il a épousé la fille, il poursuit son ascension sociale.
Vincente n’a que l’ambition du bonheur. Aussi vit-il heureux avec son épouse Lisa et leurs quatre enfants, deux garçons et deux filles. Ils ont quitté la maison des Mérani pour gagner leur indépendance et vivre libres, du travail de Vincente qui s’est embauché comme livreur.
Luigi a l’ambition de son frère aîné sans son courage. Mais il gagne beaucoup d’argent grâce au bar qu’il a acheté et aux filles dont il fait le commerce.
On retrouve aussi Frédéric Karenberg, le riche baron russe naturalisé français, bourgeois et socialiste, Ritzen, policier, Héléna Karenberg, la sœur de Frédéric, qui se donne à Carlo sans vouloir assumer cette attirance physique. Pour fuir le désir qu’il éveille en elle, elle épouse Gustav Hollenstein, jeune Autrichien richissime, et met au monde une fille, Nathalie.
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Dante Revelli, l’aîné des enfants de Vincente et Lisa, devenu électricien, est appelé sous les drapeaux. Heureusement, Antoine est trop jeune et leurs deux autres enfants sont des filles, Louise et Violette. Ceux de Carlo, Alexandre et Mafalda, sont encore très jeunes, ainsi que Jean, le fils de Frédéric et Peggy Karenberg. En revanche, Pierre Ritzen, le fils du policier, s’engage tandis que Mérani, veuf, épouse la comtesse d’Apremont qui lui donne un fils, Charles.
En proie à un incessant mal de vivre, Hélèna Hollenstein laisse partir en Suisse son mari et sa fille auxquels elle n’a jamais pu véritablement s’attacher. Pour trouver un sens à son existence, elle transforme son hôtel en hôpital et accueille les premiers blessés qui arrivent du front.

Ils venaient de la montagne

ilsvenaientdelamontagne1.bmp Roman de Max GALLO

Fin 19e siècle, les trois frères Revelli quittent leur Piémont natal, après le décès de leurs deux parents, pour aller travailler en France.
Carlo, 28 ans, Vincente, 20 ans et Luigi, dix ans, parcourent à pied le chemin jusque Nice, leur Eldorado.
L’aîné, trop fier pour se soumettre, s’engage sur les chantiers tandis que le second, plus docile et malléable, accepte de devenir domestique chez Joseph Mérani, médecin et député.
Luigi, enclin à la paresse encouragée par l’épouse du docteur qui décèle chez le garçon un réel talent de chanteur, vit sous l’aile protectrice de Madame Mérani et prend, de temps à autre, un emploi de figurant dans un opéra.
Alors que Vincente épouse rapidement une jeune domestique de la maison Mérani qui lui donne sans tarder un premier enfant, Carlo résiste à la tendresse des femmes et préfère payer plutôt que se lier.
Après s’être rendu coupable d’un vol chez un aristocrate, émigré russe, Carlo Revelli achète un lopin de terre. Karenberg, l’aristocrate anarchiste qui a vu Revelli sortir de sa propriété, s’intéresse au jeune homme.
Premier tome de la série « La Baie des anges », ce roman très bien écrit démarre très fort et on ne le lâche plus.

Déchirures intimes

dchiruresintimes.jpg Nouvelles de Laurence Litique

Treize nouvelles constituent ce petit recueil d’une centaine de pages. Elles sont donc très courtes mais répondent parfaitement aux critères du genre : récit court et concis, très peu de personnages, sur une durée assez courte, de quelques minutes à quelques jours tout au plus, style sobre mais soigné, et chute inattendue.
L’auteur nous emmène tantôt tout près de chez nous, tantôt dans des univers totalement inconnus, des contrées lointaines où le dépaysement est garanti.
L’auteur a un sens aigu de la psychologie humaine. Qu’elle mette en scène des enfants, des femmes ou des hommes, elle trouve toujours le ton juste et les réactions typiques de ses personnages. Enfin, si l’émotion est souvent présente dans ces treize récits, l’humour et parfois même une certaine dérision ne sont pas exclus.
Un petit garçon du coin de la rue découvre l’amour dans les yeux d’une petite fille apparemment recluse et sa propre vilénie quand il découvrira sa différence.
Un autre petit garçon, dans un pays lointain, apprend à s’évader de la misère par l’esprit.
Une jeune fille trouve le moyen d’échapper à la rigidité de ses parents pour rejoindre celui qu’elle aime.
Un Occidental se retrouve prisonnier d’une tribu africaine.
Une femme obèse se rend au rendez-vous que lui a fixé l’internaute avec lequel elle échange depuis des semaines. La rencontre échoue mais… surprise !
Un homme offre un CD enregistré à sa femme pour faire passer le message qu’il tente de lui dire depuis des semaines.
Un scientifique, très occupé par sa vie professionnelle, ne prête qu’une attention distraite à la grossesse de son épouse. Un brin goujat dans ses réflexions intérieures, la réalité de la vie va se charger de le faire redescendre sur terre.
L’adultère et la vie cachée qui lui est inhérente. Mais là aussi, surprise !
La vie misérable d’un petit garçon battu vue par lui-même. Emotion.
Bref, un livre très bien écrit qui aborde des thèmes différents dans des styles pareillement variés. Impossible de ne pas y trouver du plaisir.

Le voyage dans le passé

voyagedanslepas10.jpg Roman de Stefan Zweig

Louis, d’origine très pauvre, parvient par les études et le travail à un niveau social qui lui donne accès à un monde insoupçonné. Mais toujours les circonstances de sa condition qui demeure, sinon misérable, en tout cas très modeste, viennent l’humilier.
Un jour, son employeur, affaibli par la maladie, impressionné par les capacités et le sérieux du jeune homme, lui propose un poste de secrétaire particulier. Après un premier refus, Louis finit par accepter. Alors qu’il redoutait le malaise familier ressenti à chaque fois qu’il était entré dans une grande maison pour intégrer la chambre que l’on mettait à la disposition du répétiteur, poste qu’il assurait pour financer ses études, il se sent d’emblée à l’aise dans la grande et belle demeure de son employeur. La maîtresse de maison n’est pas étrangère à ce sentiment car l’épouse du patron de Louis a l’art de combler tous les souhaits exprimés par le jeune homme sans toutefois jamais rien faire qui pût froisser sa susceptibilité.
Un jour, son employeur lui demande de partir au Mexique pour gérer une affaire délicate. La rémunération est importante et Louis accepte. Mais à la seconde où il consent à partir, il réalise que l’idée de ne plus voir l’épouse de son patron lui est insupportable, constatant par la même occasion la nature de ses sentiments pour elle. Or ces sentiments sont réciproques et elle est autant bouleversée que lui. Alors qu’elle s’apprête à se donner à lui, elle se reprend et lui promet d’être sienne à son retour. Louis s’en va, la tête pleine de l’image de celle qu’il aime. Deux ans sont vite passés. Hélas, la guerre éclate. Empêché de rentrer au pays, il se marie et oublie un peu celle qu’il a tant aimée et attendue. Neuf années passent… A l’occasion d’un voyage d’affaires, il se rend en Allemagne. Il la contacte, elle est devenue veuve. Ils se revoient et tentent de reprendre leur idylle là où ils l’avaient laissée…
Un très beau roman, ou nouvelle, avec une analyse très fine des sentiments amoureux et de la complexité de l’âme humaine. 

Je ne savais pas qu’il était si dur d’aimer…

jenesavaispas.jpg Récit de Jean-Marie VICAIRE

Le prétexte du livre est une histoire d’amour non réciproque entre un homme entendant et une jeune femme sourde. Mais c’est pour l’auteur l’occasion de parler de son parcours, atypique.

Ecrit à la première personne, il décrit son lieu de travail, ses conditions de vie et cet amour naissant qui ne le laisse pas en paix et qui va le conduire à être accusé de harcèlement.

Publié en autoédition.

 

Le rêveur de l’écluse

reveurdelcluse.jpg Roman de Henriette BERNIER

Louis, fils d’éclusier, sait qu’il sera un jour éclusier à son tour, à Martimpré, un village proche de Stenay dans la Meuse. Alors que ses parents, Léone et Maurice Champart, ont les pieds bien ancrés dans leur terre natale, Louis rêve de voyages, loin, très loin de ce petit coin de Lorraine dont il aime pourtant les paysages, notamment ceux à proximité du canal où il vit heureux malgré toutes les questions qui l’assaillent. En particulier, d’où lui vient donc ce désir d’ailleurs, ce fourmillement qu’il ressent dans les jambes à l’idée de partir ?
Parce qu’il sait qu’il ne quittera jamais l’écluse de Martimpré, il regarde, fasciné, les gens du voyage, ceux qu’on appelait les romanichels ou les camps-volants.
Alors qu’il a repris la responsabilité de l’écluse derrière son père après la mort accidentelle de celui-ci, il vit avec sa mère et passe pour un célibataire endurci. Mais tout bascule quand il rencontre Rose, une jeune fille énigmatique, différente des autres, qu’il va aider à s’enfuir et se cacher de son père.
Un livre à l’écriture fluide et une histoire sans surprise mais qui se lit avec plaisir car on y sent toute l’atmosphère de la Lorraine de ces années cinquante et soixante. 

Balade dans la Somme…

baladedanslasomme.jpg … sur les pas des écrivains (ouvrage collectif)

Dans ce petit guide touristique d’un autre genre, on visite la région au gré des endroits qui ont vu naître ou accueilli des écrivains. Blaise Cendrars nous emmène aux alentours de Péronne, Colette nous parle du Crotoy, Dorgelès, peut-être le plus parisien des Picards célèbres, évoque Amiens. Georges Duhamel, Prix Goncourt en 1918, décrit le paysage de désolation qu’offre la campagne picarde au cours du premier conflit mondial. Anatole France nous parle du littoral picard où se développent les stations balnéaires durant la seconde moitié du XIXe siècle. Victor Hugo, en villégiature chaque année au Crotoy avec sa Juliette, écrit de merveilleux poèmes que les paysages qu’il parcourt seul en journée, pendant que sa maîtresse se repose, lui inspirent. Marcel Proust a traduit les écrits dithyrambiques de John Ruskin, Anglais inconditionnel de la ville d’Abbeville. Erich-Maria Remarque, soldat allemand, relate ses souvenirs de combattant sur le sol picard dans son livre pacifiste A l’Ouest rien de nouveau qui lui vaudra d’être déchu de sa nationalité par les nazis. Le Nantais Jules Verne, régulièrement en vacances au Crotoy, élaborera certains de ses romans dans cette petite ville balnéaire de l’estuaire de la Somme. Quelques autres, natifs ou plaisanciers, sont évoqués dans ce livre. Seul manque à l’appel le grand Choderlos de Laclos, pourtant bien Picard ; ses biographes ont refusé qu’il figure dans ce livre car l’auteur des Liaisons dangereuses n’a jamais évoqué sa terre natale où il vécut pourtant jusqu’à l’âge de dix ou onze ans.
Un livre très intéressant écrit à plusieurs mains, entre guide touristique et manuel littéraire, une façon très originale de visiter une région par ailleurs magnifique.

Absolument dé-bor-dée !

absolumentdebordee1.jpg ou le paradoxe du fonctionnaire. Récit de Zoé Shepard

Après huit ans d’études, la narratrice intègre une mairie de province comme chargée de mission. Mais son enthousiasme du début va vite tomber à plat lorsqu’elle se rend compte dans quel univers ubuesque elle est tombée. Les personnes les moins compétentes sont à l’encadrement et les collaborateurs rivalisent de stupidité et de paresse. Alors qu’une tâche requiert au maximum deux heures de travail, on lui donne un délai de deux semaines. Entre son chef surnommé Simplet et la collaboratrice de celui-ci surnommée Coconne, Zoé Shepard fait ce qu’elle peut pour garder un minimum de conscience professionnelle et désespère de s’épanouir dans son boulot quand les 35 heures ne se font pas en une semaine mais en un mois.
Ce livre, écrit à la première personne du singulier, se lit très vite et si on rit parfois aux anecdotes rapportées par l’auteur, on finit quand même par s’ennuyer car les trois cents pages de ce livre ne sont qu’une accumulation d’anecdotes redondantes écrites, qui plus est, dans un style assez lassant et assez peu littéraire.
On peut aussi reprocher à Zoé Shepard le ton très condescendant qu’elle emploie de la première à la dernière page et son humour qui vire au mépris et à la cruauté verbale pour parler de ses collègues, supérieurs et subalternes dont aucun, sauf une à qui elle dédie à peine une page tout compris, ne semble lui arriver à la cheville. Dans son environnement professionnel, tout le monde est con, à un tel point que cela en devient suspect…
On peut aussi lui reprocher d’avoir réalisé une caricature du fonctionnaire qui peut nuire gravement au service public, déjà mis à mal par la politique du gouvernement actuel. Ayant travaillé dans des entreprises privées de taille moyenne, je peux affirmer qu’il y a aussi des « glandeurs » qui ne font rien ou pas grand-chose de leurs journées, qui passent leur temps entre la machine à café, les toilettes et le fumoir, qui utilisent leur ordinateur pour retoucher leurs photos personnelles et la photocopieuse du service pour reprographier des bouquins entiers.
Mais le plus gros reproche que l’on pourrait faire à Zoé Shepard, ou plutôt à Aurélie Boullet, puisqu’elle a été démasquée depuis la sortie de son livre, est d’avoir réintégré son poste dans la mairie de la région Aquitaine qu’elle a tellement dénigré dans son livre. Cela aurait eu tellement plus de panache de démissionner, puis d’écrire son livre. Alors que là, après avoir si farouchement craché dans la soupe, elle retourne à la mangeoire, après quatre mois de suspension qui ne lui auront rien coûté puisque en remplacement de son salaire, elle aura touché d’énormes droits d’auteur.
Quand on se souvient de la vague de suicides à France Telecom, on peut s’interroger sur les qualités intellectuelles mais surtout humaines de cette jeune femme qui, avec son livre, donne de l’eau au moulin des nombreux détracteurs de la Fonction Publique qui ne se privent pas de mettre tous les fonctionnaires dans le même sac.
Tout compte fait, on en arrive à trouver Coconne et Simplet beaucoup plus sympathiques car eux, même s’ils brassent de l’air à longueur de journée, ils ne font de mal à personne… 

Les témoins de la mariée

lestmoinsdelamarie.jpg Roman de Didier VAN CAUWELAERT

Trois jours avant son mariage surprise avec une jeune Chinoise, Marc, photographe richissime, décède dans un tragique accident de la circulation.
Ses amis inséparables, dont il s’occupe avec tact, désignés par lui pour être leurs témoins, sont sous le choc. Alors qu’ils pensent encore pouvoir arrêter l’arrivée de la fiancée, ils apprennent qu’elle se trouve dans un avion, en route pour Paris. Hermann, Jean-Claude, Lucas et Marlène sont donc contraints d’aller la chercher à l’aéroport.
Pour la ménager après ce long voyage, ils décident d’un commun accord de taire la nouvelle pendant quelques heures.
Yun-Xian est une jeune femme tout à fait hors du commun, qui ne cesse d’étonner les quatre amis de son fiancé. Elle connaît chacun d’eux sur le bout des doigts et se lance dans un plan séduction qui jette les quatre amis dans la perplexité et le désir culpabilisant. Mais qui donc est cette Chinoise ? Une fée ou une intrigante ?
Une histoire rondement menée en quatre chapitres, un par ami, écrits à la première personne du singulier. Cinq portraits attachants avec une fin sans surprise mais très belle.
A lire.

Feu de glace

feudeglace.jpg Roman de Nicci French

Alice Loudon, chef de projet dans le domaine scientifique, vit à Londres avec Jake, un homme attentionné qu’elle va bientôt épouser avant de faire un enfant avec lui. Alice est une femme équilibrée, épanouie, heureuse dans l’existence qu’elle mène entre son compagnon qu’elle aime, ses amis et ses collègues qu’elle apprécie pour l’amitié et l’estime qu’ils lui apportent.
Cependant, sa vie bascule à la seconde même où elle rencontre Adam Tallis. Dans la rue, leurs regards se croisent et les hypnotisent ; il l’attend à la sortie de son travail et l’emmène chez lui. Comme aimantée, elle le suit. Leur première étreinte, inventive et enflammée, fait tout chavirer dans la tête d’Alice qui n’a jamais connu ce mélange d’amour infini, de tendresse et de violence. Alors qu’elle le quitte sans même savoir son nom, elle n’a qu’une envie : le revoir. Son désir tourne à l’obsession : lui appartenir corps et âme.
Du jour au lendemain, elle quitte Jake et épouse bientôt Adam, pour le meilleur et pour le pire selon la formule consacrée.
Mais qui est vraiment Adam Tallis, alpiniste professionnel qui s’est conduit en héros lors de sa dernière ascension d’un sommet de l’Himalaya, même s’il n’a pu sauver la vie de tous les touristes qu’il encadrait, pris avec lui dans une terrible tempête ? Petit à petit, au hasard des conversations et des interviews dans les magazines, Alice commence à douter. Lorsque des morts suspectes viennent salir le passé de son mari, elle enquête, au péril de sa vie.
Un roman haletant de la première à la dernière page, une histoire qui fait froid dans le dos.
Ecrit à quatre mains par un couple de romanciers anglais, mari et femme à la ville, eux-mêmes « victimes » d’un véritable coup de foudre.
A noter que le titre original est : Killing me softly. Les anglophones apprécieront la traduction !

Dix ans de télé !

10ansdetl.jpg Chroniques de Guy CARLIER

Ces chroniques, sous forme abécédaire, ne sont pas récentes puisqu’elles balaient la télévision de 1995 à 2005, le livre ayant été publié cette même année 2005. Mais le thème est intemporel, même si en six ans la TV a encore évolué, ou plutôt dégringolé.
Moi qui ne suis pas scotchée devant le petit écran – j’entends celui de la télé car celui de mon ordi, je le connais par coeur ! – je n’ai pas toujours identifié les émissions et les animateurs brocardés. Certains ont disparu du PAF mais d’autres, Lepers et Foucault par exemple, sont toujours là.
Dans ces chroniques, Guy Carlier n’est pas tendre, il est même souvent féroce, à la limite de la méchanceté. Mais il a un énorme talent et quand on a du talent, on peut tout se permettre, la vulgarité comme la méchanceté.
Cela dit, s’il est féroce avec les autres, il ne manque pas d’humour envers lui-même puisqu’il dit que son bouquin est énorme, comme lui, ou quand il explique que, par ennui, il va chercher son pot de nutella pour y tremper ses Pépitos !!!
Bref, j’ai passé d’excellents moments, même si la lecture de ces plus de six cents pages a pris du temps car le format du bouquin ne me permettait pas de le prendre avec moi dans le bus. Heureusement d’ailleurs, car il me faisait parfois rire aux éclats. Alors déjà qu’en voiture, je passe pour une débile à rire toute seule au volant en écoutant Nicolas Canteloup…

Flammes

joffaflammes.jpg Poésies de Nathalie JOFA

Ce petit recueil de poésie est un petit bijou.
Préfacé par Yvette Leroy et illustré par l’auteur, il contient une quarantaine de poèmes qui nous emmènent dans l’univers de Nathalie Jofa.
Amateurs de poésie classique, ne cherchez pas la rime riche, ne comptez pas les syllabes, oubliez le sexe des rimes. Nathalie écrit en vers libres, ce qui ne l’empêche pas de manier la langue française avec brio ; ses mots sont choisis avec soin pour les marier, les juxtaposer, les opposer, et arriver ainsi à composer des poèmes qui touchent le lecteur.
Nathalie nous invite à
Laisser s’enfuir le passé
Et croquer fort l’instant présent
Dans un aveu poignant, elle nous dit :
Ce poème était tapi
Dans les noeuds de mes entrailles.
Elle nous livre ce que ressent tout auteur :
Ce poème que je vous écris
C’est un enfant que je libère.
Plus loin, elle nous donne la recette :
Ecrire comme l’on vit
Ecrire comme l’on aime
Comme de nombreux poètes, Nathalie écrit la nuit :
Je suis la maudite artisane
De ce sommeil qui s’est enfui
et plus loin, la révélation de l’éternel obsession :
Chercher la rime, creuser le mot
Sous le ciment de nos angoisses
Et tout cela n’empêche pas l’humour, comme dans son poème « J’habite chez mon chat » :

Enfin, un mot sur la forme. Ce recueil est le fruit d’un travail artisanal, aux Editions Atelier des mains libres, chez l’auteur. De facture sobre, tout l’attrait du livre est dans la très bonne qualité du papier ivoire qui a en outre l’avantae d’atténuer le contraste des illustrations monochrome.
Bref, un petit ouvrage à avoir dans sa bibliothèque, voire sur sa table de chevet.

Le papillon des étoiles

papillondestoiles.jpg Roman de Bernard Werber 

Yves Kramer, ingénieur distrait, renverse Elisabeth Malory, navigatrice en solitaire. Hémiplégique, elle obtient des indemnités mais refuse ses excuses.
Persuadé que l’humanité court à sa perte, Kramer projette la construction d’une navette géante pour embarquer des volontaires dans un voyage de mille ans pour recréer une humanité sur une planète d’un autre système solaire. Mais ce projet est refusé. Yves Kramer, qui ne se pardonne pas l’accident qui a fait d’une championne une handicapée, commence à déprimer. Il rencontre alors un riche industriel, atteint du cancer, qui accepte de financer le projet. Pour piloter le vaisseau spatial muni de panneaux solaires et d’ailes géantes, son assistante recrute Elisabeth Malory, la meilleure navigatrice avant son accident. Après un refus catégorique, celle-ci accepte à la condition de ne jamais croiser l’ingénieur. Jusqu’au jour où ils se retrouveront embarqués avec le reste de l’équipe et 144.000 volontaires pour un voyage dont eux-mêmes, bien sûr, ne verront pas la fin, ni les enfants de leurs enfants, mais sans doute leurs lointains descendants.
Mais les candidats pour un monde meilleur ailleurs sauront-ils éviter de reproduire les mêmes erreurs ?
Pas du grand Werber de l’époque des Thanatonautes et Empire des Anges, mais un livre qui se lit néanmoins avec plaisir, surtout en vacances…

L’exil est mon pays

lexilestmonpays22217802.jpg Roman d’Isabelle ALONSO 

Angel, Espagnol républicain, a fui son pays et trouvé refuge en France, dans une petite ville de Bourgogne. Libertad le rejoint avec leur bébé, Rodrigo. En France naissent trois autres enfants, un garçon et deux filles. C’est l’aînée des filles, Angustias, qui prend la plume pour raconter la vie de cette famille d’émigrés bien intégrés et pourtant toujours étrangers, même les enfants dont le pays natal est la France. Pas tout à fait Français, plus tout à fait Espagnols, les enfants grandissent entre deux patries, deux langues, sans jamais parvenir à être « comme les autres » d’un côté des Pyrénées comme de l’autre.

On découvre avec plaisir la vie de cette fratrie unie autour d’un couple dont on devine que rien, sinon la mort, pourrait séparer. Ecrit sans tabou et avec beaucoup d’humour, ce livre est un régal de drôlerie et d’émotion. L’auteur nous emmène avec beaucoup d’habileté du pays du rire à celui des larmes, sur un ton très juste, sans excès. Un ouvrage qui aide à faire comprendre le mal-être de ces enfants qui ne parviennent pas à trouver leur place car issus de l’immigration, bien que nés en France.

Meurtrissures en milieu confiné

meurtrissures.jpg Roman de Christian INGRET-TAILLARD

Jacques, éducateur spécialisé dans un foyer de jeunes délinquants, est au bout du rouleau. Il n’en peut  plus de ce métier si difficile, mal connu et peu reconnu. Heureusement, il y a son épouse, sa chienne et la nature ; auprès d’eux il se ressource et puise l’énergie nécessaire pour retourner au foyer jour après jour et s’exposer à la violence des jeunes.
Assez vite, je me suis sentie agressée par les dialogues. Je comprends qu’on ne puisse pas faire s’exprimer un jeune délinquant comme un jeune premier de la classe. Mais l’auteur semble se complaire dans ce langage car nul n’était besoin de s’en faire l’écho chapitre après chapitre. Après un premier échange très imagé, le lecteur aurait compris.
Heureusement, l’auteur a eu la géniale idée de faire suivre chaque chapitre en foyer par une balade dans la nature. Jacques emmène le lecteur dans ses réflexions en cheminant sur les sentiers environnants. Pour le lecteur, c’est une bouffée d’oxygène, car l’auteur soigne l’écriture de ces chapitres qui estompe un peu la vulgarité exprimée dans le précédent.
Si on parvient à ne pas se laisser rebuter par la forme, le fond présente un réel intérêt car l’auteur nous embarque dans un univers que le lecteur non initié découvre au fil des pages. Et parce que lui-même éducateur, il sait de quoi il parle, il parvient à rendre « ses » gamins attachants car on comprend bien que s’il faut protéger la société de ces délinquants, il faut aussi les protéger d’eux-mêmes car ils ont eu la malchance de naître au mauvais moment au mauvais endroit. Parfois issus d’un viol, ils le subissent souvent dans leur enfance ; ces gamins qui s’élèvent seuls dans cette misère sociale, affective et culturelle, auraient bien du mérite à pousser droit. Bien sûr, cela n’est pas une excuse, mais dans son livre, Christian Ingret-Taillard nous fournit quelques explications sur la souffrance de ces enfants qui se défendent comme ils peuvent avec les pauvres armes de la violence, car ils n’en connaissent pas d’autres.

 

 

 

 

 

La carte et le territoire

michel20houellebecq2020la20carte20et20le20territoire.jpg Roman de Michel HOUELLEBECQ

Jed Martin est le fils d’un entrepreneur à la retraite. De sa mère qui s’est suicidée alors qu’il avait sept ans, il n’a que très peu de souvenirs. Photographe de talent, il se lance dans la peinture et obtient un immense succès. Alors qu’il peut tout s’acheter, il vit seul, petit héros d’une vie banale dont il cherchera, jusqu’à sa mort, le sens…
Ce roman est un vrai délice ! Ecrit dans une langue à la fois simple et soignée, on se laisse séduire par cet artiste atypique et sympathique qui prend la vie comme elle vient. Outre le plaisir d’entrer dans un domaine artistique dont l’auteur nous donne une profusion de détails, on découvre dans ces pages beaucoup d’humour et un sens certain de l’autodérision.
Un très bon livre qui n’a pas volé son Prix.

Les corps indécents

lescorpsindcents.jpg Roman de Guy Jean RAYBAUT

Sur la Côte d’Azur, un couple passe quelques jours de vacances. ll est français, plus tout jeune ; elle est russe, beaucoup plus jeune que lui. Ils ont deux enfants, restés en Russie chez leur grand-mère.
Svetlana a épousé Julien par dépit, persuadée d’avoir définitivement perdu Maxime, l’amour de ses dix-sept ans. Alors quand celui-ci réapparaît sur cette plage de Roquebrune où ils s’étaient aimés, à peine changé malgré les années, tout bascule. Tiraillée par son devoir conjugal et son instinct maternel, Svetlana lutte contre l’appel de l’amour, intact malgré le temps qui a passé.
Un roman passionnant sur la passion amoureuse et l’irrésistible appel des corps. Un ouvrage édité chez Edilivre, fort bien écrit malgré quelques coquilles.
En dépit de la couverture évocatrice de scènes sulfureuses, le récit est pur, empreint d’un grand romantisme et d’intéressantes réflexions sur notre société. Seul bémol, la fin est un peu trop vite expédiée à mon goût. Transporté par la qualité de l’écriture, le lecteur amateur de romantisme en redemande et reste sur sa faim. En revanche, amateurs d’action s’abstenir car il ne se passe absolument rien, tout l’intérêt du livre est dans la réflexion et la beauté des mots.

Les Peyrie

peyrie.gif Roman de Martial DEBRIFFE

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Jules Peyrie, Périgourdin, termine à Paris de brillantes études de médecine. Après la mort de son père qu’il méprisait autant qu’il avait chéri sa mère, le jeune homme s’interroge sur son avenir professionnel. Un professeur lui propose d’accepter un poste de médecin de campagne en Alsace. Jules hésite puis accepte. Après des débuts difficiles, il parvient à se faire accepter dans le monde rural et se prend d’affection pour cette terre au fur et mesure qu’il s’éprend d’Emma. Mais la guerre éclate et l’Alsace est de nouveau durement malmenée. Pour sauver sa tête, Jules doit partir. Emma le suit après avoir confié leur bébé à une amie. Mais la vie dans le Périgord n’est pas davantage un long fleuve tranquille et bien des épreuves attendent le couple.
Un livre bien écrit sur un des épisodes les plus noirs de l’Histoire. Un récit sans grande surprise mais agréable à lire.

Dedans le ventre doux d’un souvenir de femme

Recueil de poèmes de Bernard APPEL

Le titre est déjà en soi tout un poème ! (Cela me rappelle une phrase que mon fils disait souvent quand sa vie d’enfant lui pesait : « je veux retourner dans ton ventre ! »)
Ce recueil tourne autour de la femme et des rapports entre l’homme et la femme, entre amants. Il raconte la difficulté de se comprendre, l’incapacité à communiquer parfois, le désarroi de l’homme fragile face à la femme libérée.
La poésie de Bernard Appel me touche au plus profond de mon être et que les poèmes soient en vers libres ne me dérange pas, alors que j’ai une très nette préférence pour les alexandrins et les vers classiques.
Mais le poète dans ce recueil écrit avec ses tripes et ses vers sont rythmés par le souffle qui les habite. Bernard Appel est un révolté que chaque lectrice aurait envie de prendre dans ses bras pour l’apaiser et lui prouver que tout est bien, parfois.
Donner des extraits est très difficile car chaque poème est exceptionnel par les sentiments, la musique et la force qu’il renferme.

« L’amour dresse des barricades
au-delà des corps qui fusionnent
en brèves ripailles. »

« Elle est ailleurs,
violemment,
et je demeure pourtant
attaché comme un fou
à la chair de ses verrous. »

« Tous les désirs caracolent
vers l’épicentre
de son ventre.
Elle appelle à l’amour
comme on crie au secours. »

« Tu es la chaîne la plus dure
qui sans cesse me meurtrit,
mais… tu es la corde la plus sûre
qui m’attache à la vie. »

 

La changeance

Recueil de poèmes de Marie-France GENEVRE

Dans sa poésie libre, l’auteur affectionne les jeux de mots.
Les mots, elle les décortique, les triture, les assemblent de manière ludique pour parvenir à des effets tout à fait surprenants.
Mais cela ne l’empêche pas d’aborder des sujets graves comme la société de consommation, l’écologie, la solitude. Des textes souvent courts qui interpellent et bousculent le lecteur.
Extrait : « Ce serait le trop d’amour des débuts
                  Qui devrait servir à la fin
                   Quand l’amour disparaît
                   Et qu’on est les premiers
                   A déplorer sa baisse d’intensité
. »

Panorama de la poésie française, De Chénier à Baudelaire

dechnierbaudelaire.jpg Essai de Georges-Emmanuel CLANCIER

Dans cet ouvrage relativement ancien, puisque édité en 1963, l’auteur balaie un siècle de poésie française et nous offre un intéressant panorama des poètes qui ont laissé un nom plus ou moins connu dans l’histoire de la littérature du XIXe siècle, pour faire court, puisque Chénier est né en 1762 et Baudelaire mort en 1867.
Clancier n’est pas tendre avec certains poètes. Il faut dire qu’il a la chance qu’ils soient tous morts et que la plupart, sans doute, n’aient pas laissé une grande descendance susceptible de les défendre. Avec des contemporains, il n’aurait pas pu écrire avec autant de liberté, car aujourd’hui, dire d’un poète qu’il est mauvais expose le critique au mieux à être traité de réactionnaire et au pire à être trduit devant les tribunaux. En même temps, avec les poètes d’aujourd’hui, je ne suis pas certaine qu’il aurait eu de quoi couvrir plus de 400 pages, encore que…
De cette lecture ardue mais passionnante pour qui s’intéresse à la poésie française, j’ai retenu ces extraits que je livre à votre réflexion :

L’art ne fait que des vers, le coeur seul est poète. (André Chénier)

A voir les choses d’un peu haut, il n’y a en poésie ni bons ni mauvais sujets, mais de bons et de mauvais poètes. D’ailleurs, tout est sujet, tout relève de l’art ; tout a droit de cité en poésie. L’art n’a que faire des lisières, des menottes, des bâillons ; il nous dit : Va ! et nous lâche dans ce grand jardin de poésie, où il n’y a pas de fruit défendu. Tout poète véritable… doit contenir la somme des idées de son temps. (Victor Hugo)

Un poète est un monde enfermé dans un homme. (Victor Hugo)

Il est nécessaire, pour laisser certains objets poétiques dans le crépuscule qui les enveloppe et dans l’atmosphère qui les baigne, de recourir aux artifices de la négligence. C’est le métier qui enseigne à mépriser le métier ; ce sont les règles de l’art qui apprennent à sortir des règles… (Théodore de Banville)

 

Au gré des vagues

augrdesvagues.jpg Roman de Noëlla CAILLY

Ce roman se déroule de juin 1948 à janvier 1951, en Normandie. Sous le prétexte d’une histoire d’amour avec en prime une petite intrigue policière, l’auteur nous invite à nous interroger sur les relations humaines et notamment conjugales, avec cette incompréhension entre les hommes et les femmes qui peut mener à leur perte les couples qui n’y prennent garde.
Un ouvrage agréable à lire.

Ce que le jour doit à la nuit

cequelejourdoitalanuit09.jpg Roman de Yasmina KHADRA

Le prénom est trompeur : Yasmina Khadra est bien un homme, de son vrai nom Mohmmed Moulessehoul, né en Algérie en 1955.
Dans l’Algérie des années 1930, Younes vit avec ses parents et sa petite sœur une vie misérable et néanmoins heureuse jusqu’au jour où la terre de son père est incendiée à la veille des récoltes.
Contraint de quitter la campagne pour la ville, le père de Younes croit encore en sa chance et sa capacité à sortir sa famille de la misère, alors qu’il parvient tout juste à survivre. Jusqu’au jour où il confie son fils à son frère, pharmacien dans un village proche d’Oran. Younes devient Jonas et s’adapte remarquablement bien à sa nouvelle vie auprès de son oncle et de sa tante Germaine qui l’aiment comme un fils. Le garçon poursuit ses études et se lie d’amitié avec des enfants de la communauté pied-noire : Jean-Christophe, Fabrice, Simon, André et quelques autres. Dans l’Algérie qui se bat et se déchire pour acquérir son indépendance, les amis inséparables vont connaître leurs premières amours autour d’Isabelle et surtout Emilie, leurs premières disputes et leurs premières trahisons.
Younes, partagé entre ses origines et ses amitiés, lié par un terrible serment, parviendra-t-il à trouver sa place dans son pays et le bonheur avec celle qu’il aime ?
Un roman très fort d’amour et d’amitié avec la guerre d’Algérie en toile de fond. Merveilleusement écrit par un auteur qui manie la langue française avec une grande dextérité, beaucoup d’élégance et de poésie.  Auteur à découvrir absolument.

L’échappée belle

lchappebelle.jpg Roman d’Anna GAVALDA

Simon et son épouse Carine emmènent avec eux Garance, la sœur de Simon, au mariage d’un cousin. Garance est tout ce que n’est pas sa belle-sœur et elle plaint sincèrement son frère : comment peut-il vivre heureux auprès d’une femme aussi prévisible et coincée issue de surcroît d’une famille raciste ? En cours de route, ils récupèrent Lola, leur sœur. Alors qu’ils attendent l’heure de la célébration à la terrasse d’un café, Simon demande à sa femme qui piaffe d’impatience de ne pas l’attendre : il finit de boire sa bière et part acheter un sac de riz. Il la rejoindra ensuite… Sauf que les trois frère et sœurs ont soudain un besoin irrépressible d’aller voir leur petit frère, guide touristique dans un vieux château quelque part en Touraine. Comme des garnements qui font l’école buissonnière, les trois jeunes gens s’éclipsent discrètement puis foncent vers l’autoroute. Ils retrouvent Vincent, le petit dernier, et la fratrie se reconstitue comme si le temps n’avait pas passé. Ce n’est qu’une parenthèse de quelques heures dans leur quotidien, mais cela va leur suffire pour mieux repartir.
Un roman très court qui se lit en quelques heures dans le langage truculent de Gavalda (je n’ai pas tout compris !) et avec un sens exacerbé pour l’émotion bien maîtrisée. Juste ce qu’il faut pour émouvoir sans tomber dans le pathétique et le grotesque.
A lire.

La première nuit

lapremirenuit.bmp Roman de Marc Lévy

Suite de « Le premier jour », nous retrouvons dans ce roman nos deux héros, Adrian l’astrophysicien et Keira l’archéologue. Ils sont toujours à la recherche de deux fragments de roche susceptibles d’expliquer les origines de l’humanité. Et ils ont toujours à leurs trousses une bande de méchants déterminés à les empêcher de poursuivre leur quête.
Un roman qui tient en haleine dès la première ligne et dont le dénouement arrive vraiment à la dernière page. Oh bien sûr, on pourrait reprocher à l’auteur d’avoir rendu ces deux héros, déguisés en super James Bond, assez peu crédibles. Mais on a envie de croire en son histoire et, comme le dit la citation en exergue, elle est vraie puisqu’il l’a inventée !
A lire pour passer un bon moment.

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