Aujourd’hui, je me rendais chez une cliente pour commencer avec elle la lecture de sa biographie. C’est un moment toujours particulier dans la vie professionnelle d’un écrivain public que celui de confronter son travail rédactionnel à l’appréciation du client et c’est toujours avec une boule d’angoisse au creux du ventre que je m’y soumets. Le coût d’une biographie, relativement élevé, donne le droit au client à un certain niveau d’exigence. Après des semaines de travail à l’appui d’une dizaine d’heures d’enregistrement, malgré la trentaine d’ouvrages réalisés depuis que j’exerce ce métier, le doute et l’anxiété sont là, intacts. Et si ma prose n’était pas à la hauteur de la vie confiée à mon dictaphone ? Et si le client, dès les premières pages lues, m’interrompait pour me manifester son mécontentement ? Cela n’est jamais arrivé, mais il suffirait d’un malentendu, d’une mauvaise impression, d’une interprétation erronée. Malgré toute ma conscience professionnelle pour écrire au plus juste, malgré ma capacité d’empathie pour retranscrire les sentiments et les émotions évoqués, malgré mon investissement dans cette vie que je me suis appropriée pour mieux l’incarner et la traduire en mots, l’anxiété grandit à mesure que j’approche du moment de vérité.
Le verre d’eau à portée de main, je commence la lecture. Ma cliente est assise en face de moi et je lui lance régulièrement de brefs regards. Impassible, elle écoute…
Alors que, la gorge sèche, je tends la main vers le verre, elle me regarde, les yeux brillants :
« C’est incroyable ! J’ai l’impression de regarder le film de ma vie ! Comment avez-vous fait ? »
Gagné ! Soulagée, je poursuis. Et à cet instant précis, j’ai la conviction d’exercer un des plus beaux métiers, exaltant pour moi et foncièrement utile pour ceux qui me font confiance !
Tout simplement passionnant !!
contente pour toi!
je ne suis pas surprise, tu ne fais pas partie de ceux qui essaient de faire des interprétations
juste faire le récit authentique et ça c’est bien
S’agissant de biographies pour des clients, je ne pourrais pas me permettre de faire des interprétations. Mon rôle consiste simplement à recueillir les récits oraux et les retranscrire sans édulcorer ni romancer, juste organiser les souvenirs parfois livrés en vrac et les agrémenter de descriptions et de dialogues pour les rendre plus digestes aux futurs lecteurs.
Cela dit, je pourrais un jour ne pas bien comprendre mon interlocuteur… Cela a failli un jour arriver avec un monsieur particulièrement antipathique, pas du tout coopérant pour écrire le livre souhaité et payé par ses petits-enfants… C’est la seule et unique fois où j’ai fait le travail à reculons… Et dans ce cas très précis, il m’a été très difficile de développer un minimum d’empathie…
Le doute est l’apanage des personnes de qualité (compétentes), celles qui veulent faire au mieux, c’est ton cas
Et ça marche…..
Merci Marie. Heureusement pour moi, le doute n’est pas paralysant ! Il est au contraire un stimulant, il me donne en effet le désir de toujours mieux faire. Il me semble d’ailleurs qu’une trop grande confiance en soi peut être au contraire un frein à la qualité. Celui qui est perclus de contentement de soi se refuse inconsciemment la possibilité de progresser. Je suis de ceux qui pensent qu’on peut toujours progresser.
C’est ça!!!!
D’accord avec toi
Bravo, Isa ! Chaque nouveau roman est un challenge à gagner et la satisfaction du client, en final, est la meilleure des récompenses à attendre et espérer.
Merci Nicole. Oui, écrire une autobiographie pour un client est toujours un challenge, bien plus important qu’un roman pour soi, car c’est mon gagne-pain ! Mais au-delà de l’aspect nourricier de mon métier, ce domaine particulier est vraiment passionnant. J’ai la chance d’avoir un petit talent artistique et ce don de l’écriture, offert par la Nature, m’a beaucoup aidée dans la vie. Alors quel plaisir aujourd’hui de mettre mon don de l’écriture au service de concitoyens qui ont tant besoin de se raconter dans un livre sans en avoir le temps, le courage et/ou la capacité ! Et la satisfaction du client, validée par un chèque assez conséquent, est en effet la meilleure des récompenses pour un travail dont ils ne mesurent pas toujours la charge à la réception du devis…
vous faites un très beau métier