Un débat passionnant, quoique un peu violent comme toujours, s’est déroulé aujourd’hui sur Facebook. Faut-il boycotter les concerts et les disques de Bertrand Cantat ?
Comme chacun sait, Bertrand Cantat est un artiste français talentueux, membre du groupe Noir Désir avant sa dissolution. Il est aussi connu pour l’homicide de sa compagne, Marie Trintignant, commis en 2003 en Lituanie. Frappé par le chanteur, la jeune actrice était décédée des suites de ses blessures. Jugé en Lituanie, il est condamné à huit de prison. Il est partiellement libéré en 2007 puis totalement en 2010. Depuis, il tente de revenir à la chanson et les salles de concert se remplissent.
Alors il y a les pour et les contre. Ceux qui pensent qu’il ne faut pas mélanger l’homme et l’artiste et qu’il a payé sa dette, et ceux qui pensent qu’un assassin demeure un assassin et, qu’il n’a rien payé du tout et qu’il ne mérite pas qu’on aille l’applaudir en concert et qu’on achète ses disques.
Il est indéniable que Bertrand Cantat restera, jusqu’à son dernier souffle, l’assassin de Marie Trintignant. Pour autant, en l’empêchant de se réintégrer par la chanson, puisque c’est apparemment ce qu’il sait faire de mieux, ne le condamnerait-on pas à la déchéance et à la violence de la rue ? Si on ne veut pas donner une chance à cet artiste de retrouver une place dans la société en vivant de son art, autant réintroduire la peine de mort à laquelle je suis cependant farouchement opposée. Car je pense que nul homme n’est supérieur à un autre et personne, pas même un juge, en tant qu’individu ou partie d’un collectif, ne peut s’octroyer le droit de tuer pour punir un autre être humain du crime qu’il a commis. Car ainsi, cette personne se rend à son tour coupable d’assassinat et ne vaut pas mieux que celui qu’il souhaite ainsi punir.
Je ne suis pas particulièrement croyante, pourtant je fais référence à l’un des commandements de la Bible : « Tu ne tueras point ». Car aucun homme n’a le droit de vie ou de mort sur un autre homme quelle que soit la monstruosité des actes commis par certains.
Dans le débat sur Facebook, il était fait référence aux grands artistes connus pour avoir collaboré avec l’occupant allemand durant la Seconde Guerre mondiale. Je ne pense pas qu’il faille tout mélanger. Wagner – qui était déjà mort mais qui était un antisémite notoire – reste un compositeur de génie, Aragon un excellent poète, sans parler de Céline, Jacques Chardonne, Sacha Guitry et tant d’autres qui ont eu des comportements peu glorieux.
Dieu fasse que jamais je ne connaisse une telle époque ! Qui, des génération d’après 1945, peut affirmer de quel côté il aurait été ? Bien sûr, j’aime à penser que j’aurais été une Lucie Aubrac, car la résistance est quand même plus glamour que la collaboration. Mais il n’y a rien de moins sûr… Moi qui ai la passion d’écrire et qui rêve de voir mes livres publiés à compte d’éditeur, n’aurais-je pas suivi le chant d’un éditeur allemand, fût-il pro nazi ? Non par conviction mais par intérêt, par ambition ? Tous les collaborateurs, loin s’en faut, n’ont pas agi par conviction. Et puis il y a tous ceux, la plus grande majorité, qui ne disaient rien et qui allaient du côté où soufflait le vent. N’est pas résistant qui veut ! Tous les hommes n’ont pas l’étoffe d’un héros ! La plupart sont des êtres médiocres, qui ne voient rien et n’entendent rien. Nombreux sont ceux qui souhaitaient survivre sans se faire remarquer. Comme le chante Goldmann, cette question souvent me hante : « Aurais-je été meilleure ou pire ? »
Pour en revenir à Bertrand Cantat, qu’il chante ou qu’il ne chante pas ne ressucitera pas Marie Trintignant. Alors puisqu’il a la chance de vivre dans un pays où la peine capitale est abolie, qu’il chante donc pour vivre, car je n’ose pas imaginer qu’un artiste de son acabit se sente lavé de son crime par quelques années d’emprisonnement… En cellule ou sur scène, il continuera à payer.
Si le débat vous intéresse, vous pouvez exprimer votre opinion dans le sondage ci-contre.
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