Après avoir longuement délibéré, les jurés ont reconnu Véronique Courjault coupable d’assassinat sur trois de ses nouveau-nés dont deux par congélation.
Des auditrices, outrées par un verdict estimé trop clément, se sont déchaînées sur les ondes d’une radio qui leur donnait la parole.
Comme le rappelait si justement un psychiatre lors d’un récent débat télévisé, on ne naît pas mère, on le devient. Et la nature donne, pendant neuf mois, l’opportunité à la femme de se faire à cette idée de grossesse et de maternité. Or Véronique Courjault, sur cinq grossesses, a connu trois dénis, ce qui explique qu’elle soit une excellente mère pour les deux enfants survivants dont elle a pleinement vécu la grossesse et qu’elle ait gardé la confiance de son mari et de sa famille.
Je pense aussi que l’instinct maternel est un mythe dont on nous rebat sans cesse les oreilles. Une femme ne se réduit pas à un ventre, et une mère qui ne tombe pas en pamoison devant son bébé n’est pas pour autant un monstre. Une jeune maman ne peut pas déclarer que son nourrisson est laid sans déclencher les cris horrifiés des gens bien comme il faut. C’est absurde car cela ne fera pas d’elle une mauvaise mère à coup sûr.
L’adage populaire prétend que l’amour rend aveugle ; je pense au contraire que l’amour réside dans l’acceptation des différences en toute lucidité. Soyons logiques, aimer un chauve ne lui fera pas pousser de jolies boucles sur le crâne, aimer un obèse ne le rendra pas filiforme, aimer une « planche à pain » n’augmentera pas le volume de sa poitrine. Simplement, ne pas réduire la personne à un chauve, un obèse ou une « planche à pain » est lui donner une existence au-delà de ces détails physiques et par là même la rendre digne d’amour car la calvitie, l’obésité et la platitude ne sont que des défauts physiques.
Alors oui, parfois les nouveau-nés sont vilains, ils sont fripés, cyanosés, le crâne en forme de sucre d’orge et le nez épaté. Laissons les mamans lucides exprimer leurs constatations sans les clouer au pilori ; elles n’en aimeront pas moins leur bambin.
Et non, ne jugeons pas ces mères qui ne sont pas béates en apprenant qu’elles sont enceintes, qui nient leur état aux autres et à elles-mêmes et qui finissent par éliminer cette « chose » sortie de leur corps. Car aussi incroyable que cela puisse paraître, il ne s’agit pas pour elles d’un bébé. Le déni de grossesse et l’infanticide qui parfois le suit ne sont ni une comédie ni un alibi mais un cheminement complexe du cerveau humain et surtout une immense souffrance.
Par ailleurs, comme le disait ce psychiatre, Véronique Courjault ne présente aucun risque de récidive après une hystérectomie. Alors laissons-la purger les douze ou quinze mois restants de sa peine et essayer ensuite de vivre « normalement » avec son mari et ses deux fils qui l’attendent.
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