J’étais hier l’invitée d’un cercle de lecture nancéien composé d’une dizaine de personnes issues pour la plupart du monde médical et enseignant. Un monde qui n’est pas le nôtre, comme me le fit remarquer Monique qui m’accompagnait.
Ils avaient acheté mon livre « Ecrivez-moi… », un roman épistolaire paru en 2006 et porté aux nues par un animateur de FR3 qui était littéralement tombé amoureux de l’ouvrage.
La première personne qui prit la parole annonça d’emblée « Je n’ai pas aimé le livre ! ». Aïe ! Ça commençait mal… La deuxième reprit : « Je n’ai pas aimé non plus… », la troisième : « J’ai arrêté dès la quatrième lettre qui était précisément le jour anniversaire de la mort de mon mari », le quatrième avoua n’être pas allé au bout de l’ouvrage… Je sentais Monique tendue à mes côtés, souffrant pour moi et se demandant peut-être si ma carapace allait tenir le choc… Elle connaît la fragilité sous l’écorce et redoutait les conséquences de cette mise au pilori de mon livre. J’ai cru un instant que cette assemblée allait rejouer à mes dépens « Le dîner de con » et me demandai si j’allais sortir indemne de cette soirée à laquelle je m’étais rendue en toute innocence. Car certes je m’étais attendue à ce qu’un ou plusieurs lecteurs me disent qu’ils n’avaient pas aimé le livre, mais pas à cette vindicte systématique…
Sans attendre son tour, un médecin prit la parole et, avec des propos très nuancés, critiqua le caractère très égoïste des deux antagonistes et l’aspect mécanique et inhumain de leurs relations, mais admis avoir apprécié l’ensemble qui avait le mérite de sortir des sentiers battus et de surprendre le lecteur. Puis une personne, empêchée de venir, téléphona pour dire qu’elle avait aimé le livre. Ouf ! Je respirai. Ensuite, les critiques furent plus teintées et un débat s’engagea. Je tentai de défendre mon livre et mes personnages, mais je le fis mal et ne réussis jamais à convaincre mon public que leurs relations relevaient bien du domaine de l’amour. Enfin, la maîtresse de maison et chef d’orchestre de la soirée exprima une opinion plutôt en ma faveur, en mettant le style en avant. Tous furent d’accord sur ce point. Mon roman était donc critiqué sur le fond mais pas sur la forme. Je pouvais continuer à écrire !
Heureusement, ce roman n’était pas mon premier ouvrage. En outre, s’il a été publié en 2006, il a été écrit en 1995. Aujourd’hui, peut-être l’écrirai-je différemment, sans doute ne l’écrirai-je même pas du tout !
La soirée se poursuivit en toute convivialité et décontraction autour d’un somptueux buffet de cochonnailles arrosé d’un excellent vin rouge, de fromages et d’un mille-feuille, mon gâteau préféré ! Après une coupe de champagne en l’honneur de l’hôtesse qui fêtait son anniversaire, nous nous séparâmes, qui par une franche poignée de main, qui par une bise amicale.
Sitôt dans la voiture, Monique se tourna vers moi et demanda :
– Ça va ?
Oui, ça allait, même si mon égo en avait pris un coup ! Comme elle dit, j’avais cherché le bâton pour me faire battre, mais il est bon, parfois, d’être ramené à l’humilité, car tout écrivaillon qui rencontre un petit succès local se prend tôt ou tard à imaginer que tout le monde l’adore ! Là, on n’avait pas aimé mon livre et on me l’avait fait rudement savoir. Il n’en aurait pas fallu davantage, il y a dix ans, pour me faire tomber la plume des mains !
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