Avec le froid qui arrive dans le Nord et l’Est du pays notamment, nous allons assister à une multiplication des décès de pauvres hères couchés sur les trottoirs ou dans les parcs publics. Pour éviter l’émoi de l’opinion publique, le gouvernement envisage d’amener par la force les SDF récalcitrants aux centres d’hébergement.
En admettant que cela parte d’un bon sentiment, cette violence faite aux SDF est une atteinte déguisée à la liberté individuelle. Il n’y a pas si longtemps, le vagabondage était en France un délit. Si le ministre du logement et de la ville, Madame Christine Boutin, met son projet à exécution, nous assisterons en fait à une gigantesque rafle !
Faut-il pour autant les laisser mourir de froid ? Evidemment, non ! Ce qui me choque est que le gouvernement ne s’émeuve de ce problème récurrent qu’à l’arrivée des températures hivernales. Si Madame Boutin est à ce point sensible à la détresse des SDF, pourquoi a-t-on enlevé les tentes des bords de Seine ?
Il faut savoir que si certains SDF refusent d’aller dans les centres d’hébergement, c’est souvent parce que les chiens n’y sont pas admis. Or, dans la rue, qui peut rapidement devenir une jungle, un SDF sans chien est un homme mort.
Une fois les températures polaires disparues, qu’adviendra-t-il des SDF hébergés d’urgence en centre ? On les remettra dehors, comme le suggère Luc Chatel, porte-parole du gouvernement ? « Au revoir, Monsieur, vous pouvez repartir vivre dans la rue. Nous avons fait ce qu’il fallait, nous avons la conscience tranquille ! » Je comprends que certains refusent cette mascarade.
J’entendais récemment Madame Nadine Morano, secrétaire d’Etat chargée de la Famille, auprès du ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité (tout un programme !), Monsieur Xavier Bertrand, déclarer que certains SDF avaient choisi ce mode de vie en toute liberté et connaissance de cause. Avec ce rictus qui lui est familier, elle cita ce personnage connu de tous les habitants de la ville de Nancy dont elle est originaire, qui déambulait en poussant un caddy et entrait dans toutes les églises où se donnaient des concerts gratuits. Ancien professeur de philosophie, ce SDF avait effectivement, pour des raisons que j’ignore, fait le choix de la marginalité. Mais combien sont-ils, parmi ceux qui survivent dehors, à avoir choisi ce mode de vie ? L’homme n’est pas fait pour vivre à l’extérieur. Dès qu’il s’est dressé sur ses jambes, il a cherché à bâtir un toit pour s’abriter et il n’a eu de cesse d’améliorer son habitat. Même les animaux recherchent d’instinct à construire un nid douillet.
Si on donnait à tous les SDF un travail correctement rémunéré, combien d’entre eux choisiraient de rester dans la rue ?
Et que dire de cette autre catégorie de la population que l’on nomme avec une pointe de condescendance, les nouveaux pauvres ? Ces hommes et ces femmes qui, malgré un travail à temps plein, sont en-dessous du seuil de pauvreté ? Il faudrait donner aux décideurs de ce pays, pendant un mois, un smic pour vivre. Ils verraient alors qu’après avoir payé le loyer, le gaz, l’électricité, l’essence pour aller travailler, la cantine des gosses, il ne leur resterait plus beaucoup de sous dans le porte-monnaie pour mettre une quantité suffisante de pâtes dans les assiettes au repas du soir. Que dis-je des pâtes ? Même les pâtes et le pain ont subi une hausse considérable alors que les ordinateurs, home cinéma et autres lecteurs DVD seront bientôt distribués gratuitement tant leur prix a baissé, faussant par la même occasion la hausse générale du coût de la vie.
Le pourcentage de Français qui vivent dans la crainte de basculer dans la marginalité ne cesse d’augmenter. La classe moyenne disparaît progressivement. Aucune catégorie socioprofessionnelle ne semble à l’abri d’un licenciement et de la spirale infernale dans laquelle les nouveaux chômeurs peuvent rapidement être aspirés. Les SDF d’aujourd’hui ne sont plus les clodos de notre enfance ! La race a muté. Et les SDF de demain, c’est peut-être vous et moi ! Alors qu’on ne me dise pas que les SDF ont choisi leur lieu de vie car je n’y crois pas. Non, je ne le crois vraiment pas !
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