Il y a un peu plus de vingt-trois ans naissait mon fils, Stefan, un bébé que j’attendais avec impatience après avoir longuement hésité à donner la vie, tant j’étais si peu sûre de maîtriser la mienne.
Après seize heures d’un travail plus ou moins intense, exténuée par le jeûne, les efforts et l’angoisse, je n’avais plus qu’une envie : que cela cesse d’une manière ou d’une autre. Mais il était trop tard pour la péridurale que j’avais crânement refusée un peu plus tôt. Je ne suis pas de celles qui pensent qu’il faut absolument engendrer dans la douleur pour expier la faute originelle, mais je suis convaincue que la nature est bien faite et qu’on peut s’y fier. Des milliards de femmes avaient accouché avant moi et je n’allais pas faire d’un acte aussi naturel une affaire d’Etat. Mais voilà, mon bébé n’avait pas du tout envie de sortir de mon ventre… Malgré la fatigue, sous la menace des forceps, j’expulsai dans une ultime contraction le petit corps qui tomba dans les mains de la sage-femme et j’entendis, soulagée, les cris salvateurs. Puis je reçus le petit paquet gluant sur la poitrine, contente d’apprendre qu’il s’agissait bien d’un garçon. Malgré ma myopie, je n’eus pas besoin de mes lunettes pour constater que le visage de mon bébé était un peu laid, mais, telle la guenon qui entoure sa progéniture de son bras protecteur, je posai le mien sur mon rejeton et sombrai dans un sommeil, quasi comateux, qui dura soixante-douze heures… Au réveil, je découvris immédiatement mon bébé endormi dans son berceau transparent. Je chaussai mes lunettes et constatai que sa frimousse, débarrassée des stigmates de la douleur pré et post natale, était plutôt jolie. Les infirmières s’étaient bien occupées de lui en attendant que je puisse m’en charger moi-même. Emue par ce mystère de la vie, je sentis mon cœur se gonfler d’amour pour ce petit qui était un morceau de moi.
La vie fit que cet amour se renforça rapidement d’un sentiment exclusif réciproque et d’une complicité à presque toute épreuve. Mon garçon grandissait à mes côtés à une vitesse effroyable. Sa crise d’adolescence très tardive ne fut pas une sinécure, peut-être justement parce que nous pensions y avoir échappé !… Puis il quitta la maison, il y a un peu plus de deux ans, de façon un peu inattendue et brutale. Mais il faut bien, comme on dit, que jeunesse se passe… Cette période difficile appartient au passé et mon fils est redevenu pour moi le gentil garçon qu’il avait toujours été. Depuis qu’il a quitté le nid, il s’assume seul, me démontrant qu’il avait grandi et même plutôt bien.
Mon bébé est devenu un homme, prêt à entrer dans la vie active après ses deux années en apprentissage. Il passait aujourd’hui son BTS informatique qu’il obtint avec la note très honorable de 13,5. Je lui adresse toutes mes félicitations, ma fierté pour ce qu’il est, et mes vœux de réussite dans sa recherche d’emploi. Je ne doute pas qu’il trouve bientôt un poste à la hauteur de ses espérances et je lui souhaite beaucoup de bonheur.
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