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Archive journalière du 28 mai 2008

Tulipe et Domino

Suite à mon précédent article sur les redoutables cadeaux pour la fête des mères, une amie m’a posé la question : « Que dire des cadeaux reçus par les enfants ? » Il m’est alors revenu un autre souvenir lié à l’enfance de mon fils…

Comme tous les enfants, vers l’âge de six ans Stefan émit le désir d’avoir un animal domestique. Comme je ne voulais aucune contrainte, je refusai tout net l’adoption d’un chat ou d’un chien. Devant la mine déconfite de mon bambin qui n’osait pas fondre en larmes pour ne pas me donner l’impression d’un caprice, je lui concédai l’achat de poissons… Je vis bien à son air qu’il ne considérait pas vraiment les représentants de cette espèce comme des animaux domestiques, mais je demeurai intraitable : c’était ça ou rien !… Le ça étant toujours mieux que le rien, il accepta. Cependant, Comme je n’avais pas voulu investir dans un aquarium avec pompe et tout l’attirail qui l’accompagne, nos poissons mouraient les uns après les autres, promptement remplacés. Le vendeur de l’animalerie, pris de pitié, finit par me conseiller l’achat d’une petite tortue d’eau d’une espèce très résistante et interdite aujourd’hui. La seule nécessité était l’installation, dans l’aquarium, d’une pierre plate émergeante afin que le reptile pût y grimper pour dormir.
Malgré la mine dubitative du gamin qui espérait toujours l’arrivée d’un chat, j’achetai la tortue. Le vendeur me fit gentiment remarquer qu’il fallait en prendre deux si je ne voulais pas voir notre tortue déprimer… On me l’avait déjà faite dix ans plus tôt avec des chats !!! Mais soit, je ne voulais pas être responsable de la dépression d’un malheureux reptile incarcéré dans quelques litres cubes d’eau… Les deux tortues installées dans leur aquarium furent derechef baptisées Tulipe et Domino, en raison des dessins qu’elles portaient sous le ventre. Au moment du bisou du soir, Stefan me fit néanmoins remarquer que c’était bien dommage qu’on ne puisse pas faire câlin avec une tortue…
Deux ans plus tard, l’une d’entre elles, peut-être Tulipe, mourut subitement. A notre retour en fin de journée, nous la trouvâmes dans l’eau, ventre en l’air, tandis que la seconde demeurait prostrée sur sa pierre… Choqué par le récent décès de sa grand-mère maternelle, Stefan pleura longuement la mort de Tulipe. Me voyant prendre l’aquarium, il me demanda ce que j’allais faire.
– Il faut enlever la bête morte et nettoyer le récipient pour que l’autre se sente mieux, dis-je.
– Et Tulipe, tu vas en faire quoi ?
– Eh bien… la jeter…
– Quand même pas dans la poubelle !!! fit-il avec des yeux exorbités d’horreur.
– …
– On pourrait l’enterrer…, suggéra-t-il.
– L’enterrer ! Mais où ? Nous n’avons pas de jardin !
Il se tut pour réfléchir. Le cadavre gisait sur un journal. Je nettoyai l’aquarium, le remplit d’eau propre et y plongeai Domino qui nagea vigoureusement, à mon plus grand soulagement.
– Tu pourrais pas l’enterrer près de ton usine, au bord de l’eau ? fit une petite voix.
Je travaillais alors dans une entreprise située en bordure de la Moselle. Je regardais mon gamin qui épiait sur mon visage les signes d’un assentiment.
– Ce n’est pas évident… je vais me salir…. Je vais arriver crottée au bureau…
– On pourrait y aller samedi…
– On ne va pas garder une bête crevée à la maison pendant cinq jours !
– Alors fais-le, toi…
J’hésitais. La situation me semblait absurde. Je me voyais déjà, dans mon costume de secrétaire commerciale, dévaler la pente qui menait à la rive et, armée d’une fourchette, creuser une tombe pour y déposer le petit corps mort d’une tortue d’eau…
– Maman, s’il te plaît !
– Bon, d’accord !
– Tu jures ?
– Ah ça suffit ! on ne jure pas comme ça pour n’importe quoi !
Le lendemain, je mis le cadavre emballé de papier journal dans un sac en plastique. Après avoir déposé mon fils à la garderie, je me demandais comment j’allais bien pouvoir me débarrasser de cette bestiole. Je fus tentée de jeter le tout dans un caniveau… Finalement, je pris l’autoroute et réfléchis en chemin. Il était évident que je ne pouvais pas descendre sur les bords de la Moselle, habillée comme je l’étais. En même temps, j’avais quasiment juré… J’optai pour un compromis et à l’heure du déjeuner, je balançai le cadavre par-dessus le pont, directement dans la Moselle.

Une semaine plus tard, Domino gisait ventre en l’air… Le chagrin, sans doute… Par lassitude ou habitude, Stefan contempla sa tortue et ne broncha pas lorsque je l’emballai à son tour dans du papier journal. Nul ne fut besoin d’argumenter sur son sort et Domino termina sa courte et triste existence dans la poubelle… Ce fut la fin de l’épisode animal domestique, jusqu’à l’arrivée dans notre vie de Monique et son labrador Lorca. Mais cela est une autre histoire !…

 

 

 




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