Outre un très beau cadeau, mon fils unique m’a offert hier un repas préparé par ses soins et ce deuxième cadeau m’a beaucoup émue, car il a bien du mérite à cuisiner dans son petit studio équipé de deux petites plaques électriques. D’autant qu’il en profite, lorsqu’il nous invite, pour faire le ménage afin de nous accueillir dans un endroit rangé et propre. Moi qui suis très paresseuse, j’apprécie cet effort à sa juste valeur !
Longtemps mon fils a ignoré combien j’appréhendais, quand il était enfant, cette fête populaire qui fait le bonheur des mamans et des commerçants ! Car les cadeaux des petits enfants sont redoutables !!! Les maîtresses, souvent très jeunes et encore célibataires, n’ont aucune pitié pour les mères de leurs élèves. Et comme si cela ne suffisait pas, les jeunes femmes de la garderie en remettaient une couche ! Le matin du jour J, mon gamin débarquait dans ma chambre avec ses paquets maladroitement ficelés desquels émergeaient, au mieux un foulard peint de sa petite mimine et au pire un objet en pâte à sel !… Il fallait faire semblant d’être heureuse et je m’en voulais de ne pas sincèrement m’extasier devant la chose et ne pas voir dans cette horreur la preuve d’un génie artistique en gestation. Heureusement, le lendemain, nous étions quelques jeunes mamans à nous retrouver devant la machine à café du bureau et à comparer nos cadeaux. Et nous nous moquions sans honte des objets plus grossiers et plus laids les uns que les autres. Dieu merci ! le collier en coquillettes peintes me fut épargné !!! Deux fois même, je reçus de beaux présents : un poème joliment illustré et une boîte à bijoux en pinces à linge très sobre et très mignonne.
Le plus difficile, après avoir feint l’extase devant le bambin attentif, était de lui expliquer qu’il n’était vraiment pas possible d’exposer la chose sur la table ou une étagère du salon. Mon plus gros mensonge de maman fut d’affirmer à mon fils que je voulais garder son cadeau pour moi toute seule dans ma chambre, à l’abri des regards concupiscents de mes amies qui peut-être le voleraient par envie !… Le gamin en resta bouche bée et poussa plus tard la candeur à fermer lui-même la porte de ma chambre lorsque nous recevions des amis à dîner !
Très tôt, Stefan reçut de l’argent de poche hebdomadaire qu’il devait lui-même gérer. Il eut alors à cœur d’économiser pour m’offrir un cadeau supplémentaire, un bijou acheté. Ma mère, connaissant mes goûts, tenta de conseiller son petit-fils. Mais le gamin déjà têtu refusa tout net les discrètes boucles d’oreilles fantaisie proposées et opta pour une paire de clips d’une taille monstrueuse et ornés d’énormes « diamants ». Bien que discrètement prévenue par ma mère, le choc fut rude… Sous son œil rigolard, je déballai le paquet et en restai bouche bée de stupéfaction. Elle retenait avec peine un fou rire qui enflait en elle, se trouvant peut-être vengée des horreurs qu’elle-même avait reçues de son dernier enfant, le seul des quatre qu’elle ait élevés. J’avais d’ailleurs à chaque fois une pensée émue pour ces mères de plusieurs enfants d’âge scolaire…
J’imagine que mon fils mesurait son amour pour moi à la grosseur du bijou acheté. Je ne dis pas que je souhaitais alors qu’il m’aimât un peu moins, mais j’attendais avec hâte qu’il comprenne qu’il n’en est rien. Afin de ne pas faire de peine à mon garçon, j’accrochais chaque matin les énormes clips à mes lobes, les décrochais dans la voiture et les raccrochais le soir. Et gare si par malheur je les oubliais dans la boîte à gants ! Immédiatement son regard affuté se portait sur mes oreilles nues et je devais improviser un nouveau mensonge. Heureusement, j’étais au moins aussi vigilante que lui, et il ne me fut qu’une ou deux fois nécessaire de me justifier…
Et puis un jour, pré-adolescent, il eut la lumineuse idée de m’offrir un livre de poche ! Le matin même, il se leva à l’aube pour aller acheter une rose unique au fleuriste du coin et la déposa dans un soliflore sur la table du petit-déjeuner qu’il avait préparé avant d’aller me réveiller par un bisou. Ma joie, cette fois non feinte, dut le convaincre de poursuivre dans cette voie. Il faut dire aussi qu’il avait passé l’âge des travaux manuels puisqu’il ne fréquentait plus la garderie.
Depuis, mon gamin est devenu un grand garçon et même un homme, et ses cadeaux sont désormais plus conformes à mes goûts ! Les horreurs de sa jeunesse ne sont plus que de bons souvenirs qui le font hurler de rire lorsque je les évoque !
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